Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 155

Le jeudi 9 septembre 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 9 septembre 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Français]

Le décès de l'honorable Robert René de Cotret, c.p.

Hommages

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai le triste devoir de souligner le décès soudain, le 9 juillet dernier, de l'ancien sénateur, député et ministre, Robert René de Cotret.

À l'âge de 35 ans, Robert de Cotret a fait son entrée dans la vie politique après avoir entrepris une carrière brillante d'universitaire et d'économiste. Après avoir fait ses études à l'Université d'Ottawa, à l'Université McGill et à l'Université du Michigan, il a enseigné à l'Université du Michigan, à l'Université d'Ottawa et à l'Université Carleton. Il a également été économiste principal au President's Council of Economic Advisors à Washington, et conseiller sur les politiques monétaires au ministère des Finances à Ottawa. En 1972, il s'est joint au Conference Board du Canada, et quatre ans plus tard, il a été nommé président de cet institut prestigieux.

En 1978, le nouveau chef du Parti progressiste-conservateur, M. Joe Clark, a recruté Robert de Cotret à titre de candidat lors d'une élection partielle dans la circonscription d'Ottawa-Centre.

(1410)

À l'époque, je dirigeais l'organisation nationale du Parti conservateur et je me rappelle très bien l'enthousiasme avec lequel nos militants ont accueilli ce «candidat vedette». Suite à son élection, il a apporté une crédibilité importante à notre équipe, tant à la Chambre des communes que dans l'ensemble du pays.

En 1979, bien que les élections générales aient porté M. Clark et le Parti conservateur au pouvoir, M. de Cotret a tout de même subi la défaite dans sa circonscription. Comme le nouveau premier ministre ne voulait pas se priver d'un collègue aussi doué, il a nommé M. de Cotret au Sénat. Cette nomination lui a permis d'accéder aux postes de ministre de l'Industrie et du Commerce et de ministre d'État au Développement économique. Son accession au conseil des ministres a également augmenté la représentation des Canadiens français dans un gouvernement où les francophones étaient peu nombreux.

[Traduction]

Il y aura 20 ans cet automne, j'ai été assis à côté de Bob de Cotret au Sénat, du côté ministériel. Son arrivée ici, après une défaite électorale, n'était pas vue de façon favorable. Il y eut des plaintes dans l'autre chambre quant au fait que ce ministre de premier plan se «cachait au Sénat». Toutefois, ses réalisations ici ont fait taire toutes les critiques.

La période des questions au Sénat est devenue un séminaire sur la politique économique. Le sénateur de Cotret était dans son élément et s'engageait dans de sérieuses discussions avec les savants sénateurs d'en face. Deux jours après son arrivée pour sa première session, les sénateurs de l'opposition faisaient l'éloge de ses réponses complètes et informatives à leurs questions.

[Français]

Sa carrière sénatoriale a pris fin avec la convocation des élections générales de 1980. Il s'est porté candidat dans la circonscription de Berthier-Maskinongé, au Québec. Malheureusement, il a été défait encore une fois et il s'est, par la suite, retrouvé dans le secteur privé. Au cours des quatre années qui ont suivi, il a occupé les fonctions de vice-président exécutif et de directeur général du secteur international de la Banque nationale du Canada. Lors des élections générales de 1984, il a été de retour à la Chambre des communes et, jusqu'en 1993, il a rempli avec distinction quatre des postes les plus importants dans le gouvernement du premier ministre Mulroney. Il a été président du Conseil du Trésor, ministre de l'Expansion industrielle et régionale, ministre d'État (Sciences et Technologie) et ministre de l'Environnement.

Au cours de ces années, j'ai eu l'honneur de siéger sous sa présidence au comité ministériel sur les politiques économiques. Robert René de Cotret a été l'un des principaux acteurs de plusieurs réformes importantes entreprises par ce gouvernement. À cet effet, je pense en particulier à la Loi sur l'équité salariale, la Loi de 1988 sur les langues officielles et le Plan vert sur l'environnement.

Dans l'exercice de ses fonctions ministérielles, Robert de Cotret a toujours fait preuve d'une modération et d'un sens inné de justice, d'une vive intelligence et d'une diligence remarquable. C'était un ministre qui maîtrisait parfaitement ses dossiers et qui savait également les développer à travers une vision plus large et plus cohérente du Canada.

Ses rapports avec ses collègues des deux côtés de la Chambre, avec ses électeurs et notamment avec les chefs des syndicats de la fonction publique, ont été empreints de respect, de bonne foi et de la plus haute intégrité personnelle et professionnelle.

[Traduction]

À l'âge de 35 ans, Bob de Cotret a accordé une interview à un journal d'Ottawa lors de laquelle il a reconnu que sa pire crainte était le risque d'avoir un accident cérébrovasculaire, parce qu'il y avait des antécédents d'accidents cérébrovasculaires dans sa famille. Il a poursuivi en disant que s'il devait mourir le jour suivant, il espérait qu'il pourrait se pencher sur son passé et sentir qu'il avait accompli quelque chose.

Le sénateur de Cotret a vécu 20 années de plus, ce qui est encore beaucoup trop court pour ceux qui ont respecté et admiré ses qualités humaines merveilleuses et qui ont eu une grande affection pour lui. Toutefois, cela faisait assez longtemps pour que l'on ajoute de l'éclat au nom «René de Cotret», qui fait partie de l'histoire canadienne depuis l'arrivée des premiers pionniers français.

Environ 600 personnes étaient présentes à sa messe d'inhumation. L'émotion exprimée par son frère et ses fils a été partagée par les nombreux amis qu'il avait dans le milieu universitaire, dans le monde des affaires et dans la classe politique, qui se sont rassemblés et ont pleuré son départ.

[Français]

Honorables sénateurs, bien que nous soyons préoccupés par l'avenir politique du Canada et par des problèmes économiques et sociaux et que nous soyons parfois en proie à la lassitude ou au pessimisme, la vie publique de Robert René de Cotret nous rappelle combien le Canada est un pays riche. Heureux le pays qui peut attirer de tels citoyens à son service.

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, je voudrais m'associer à mon collègue, le sénateur Murray, pour rendre hommage à Robert de Cotret, notre estimé collègue dans cette Chambre, qui fut également au nombre des éminents citoyens de notre pays.

Robert de Cotret a été un modèle pour bon nombre de politiciens canadiens, en particulier ceux de langue française. Dès le début de sa carrière, il fut invité à exercer les fonctions de conseiller économique principal auprès du président des États-Unis, Richard Nixon, à la Maison-Blanche, assurant ainsi au Canada une présence internationale dans le domaine de l'économie. Par la suite, il est nommé à la Banque mondiale et représente de nouveau le Canada sur la scène internationale.

À 32 ans, il occupe le poste de président du Conference Board du Canada, et c'était certainement le plus jeune président de cette banque de sciences économiques que nous avons eu dans notre pays. Lors de l'élection du gouvernement conservateur du Très honorable Brian Mulroney, en 1984, il fut nommé président du Conseil du Trésor.

Dans cette le cadre de ces fonctions, il s'est acquis la loyauté et le respect tant de ses collègues du Cabinet que des chefs syndicaux. Il détiendra, en outre, de nombreux portefeuilles, dont ceux de l'Expansion économique régionale, du Développement économique, des Sciences et de la Technologie, de la Restructuration du gouvernement et, finalement, de l'Environnement. À ce ministère, il met en 9uvre un ambitieux projet de protection de l'environnement, le Plan vert, auquel le gouvernement a consacré trois milliards de dollars.

[Traduction]

À titre de ministre de l'Industrie et du Commerce sous le très honorable Joe Clark, Robert de Cotret a été l'un des principaux architectes de son ministère. Il a mis son intelligence et son expérience au service de tous les Canadiens.

Il était reconnu pour sa remarquable capacité de répondre à des questions longues et complexes à la Chambre sur toutes sortes de sujets. La grande qualité de son travail illustrait toute l'importance qu'il accordait à ses fonctions.

Après avoir quitté la vie politique, l'honorable Robert René de Cotret a enseigné à l'Université d'Ottawa, où il a mis ses connaissances au service des étudiants du programme de maîtrise en administration commerciale, à la faculté d'administration.

Bien qu'il ait excellé dans le secteur privé, Robert René de Cotret a été à plusieurs reprises rappelé dans le secteur public, où il s'est distingué par ses efforts inlassables au service des Canadiens.

Robert René de Cotret était connu de ses amis et collègues comme un homme discret et réfléchi et d'une intégrité sans faille. Il a déjà déclaré:

Je ne peux tolérer la malhonnêteté intellectuelle. Je suis prêt à accepter tout argument ou critique pourvu qu'ils reposent sur une base intellectuelle honnête.

La contribution de Robert René de Cotret au Canada et, en particulier, aux travaux du Sénat restera dans nos mémoires parce qu'il était un homme de principe qui nous a montré par l'exemple qu'on peut avoir une carrière remarquable sans pour autant renoncer à son intégrité personnelle.

(1420)

[Français]

Le décès de l'honorable Alan Macnaughton, c.p., c.r., OC

Hommages

L'honorable Céline Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur de vous rappeler l'apport important de notre collègue, l'honorable Alan Macnaughton. Je l'ai rencontré en 1995, alors qu'il était avocat-conseil au cabinet de Martineau-Walker. J'ai été impressionnée par sa vitalité, sa modestie et son sens de l'humour.

À 92 ans, ce dernier m'avouait qu'il avait dû abandonner le ski alpin, et ce tout récemment. Sa contribution de plus de 30 ans au cabinet d'avocats a été extraordinaire, et son départ à l'âge de 96 ans démontre bien que le service public n'est pas contraire aux bonnes règles de vie.

Il a été élu en 1949 au sein du caucus libéral dirigé par le Très honorable Louis St. Laurent. Il a par la suite représenté le comté de Mont-Royal, ayant été élu en 1949, 1953, 1957, 1958, 1962 et en 1963.

Il fut ensuite élu Président de la Chambre des communes du 16 mai 1963 au 18 janvier 1966, et fut nommé au Sénat le 8 juillet 1966. Il y siégea jusqu'au 30 juillet 1978. En tout, il fut pendant 29 ans au service du Parlement du Canada.

Son acharnement au travail est légendaire. De nombreux collègues ont mentionné, lors de leurs hommages à M. Macnaughton au moment de sa retraite du Sénat, qu'à l'âge de 75 ans, il siégeait encore à plus de 20 conseils d'administration, en plus de siéger au comité permanent des banques et du commerce.

M. Macnaughton a été le fondateur, en 1967, du World Wildlife Fund-Canada, et y siégea à titre de président du conseil d'administration jusqu'en 1981.

Il a été parrain de la Macnaughton Conservation Scholarship, une bourse d'une valeur de 5 000 $ présentée par le World Wildlife Fund-Canada à deux étudiants qui ont fait preuve d'excellence dans le domaine de la protection de l'environnement.

Il a été assermenté comme membre du Conseil privé de la Reine le 25 octobre 1965. Il fut parrain du projet de loi C-227, en octobre 1966, un projet de loi autorisant le paiement de contributions par le gouvernement du Canada aux coûts des programmes de santé offerts par les provinces.

Il a siégé comme délégué suppléant du Canada auprès des Nations Unies en 1945. Il a été chef de la délégation canadienne à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain à Stockholm, en 1972. Le Canada y avait joué un rôle important.

Il a été président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Il a été très actif au sein du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis.

J'aimerais rappeler quelques anecdotes à son sujet. Le Très honorable John G. Diefenbaker a dit de lui, à l'occasion de son départ de la Chambre des communes:

[Traduction]

Je n'ai jamais vu de Président plus équitable et plus compétent que [...] Alan Macnaughton.
[Français]

C'est un titre de gloire, surtout lorsque que le compliment vient de l'opposition. Au cours de sa carrière parlementaire, Alan Macnaughton a travaillé avec quatre premiers ministres: Louis St. Laurent, John G. Diefenbaker, Lester B. Pearson et Pierre Elliott Trudeau. Il démissionna du Sénat quelques mois avant l'élection de Joe Clark, sans qu'il n'y ait de relation de cause à effet.

Le sénateur Walker, un conservateur, fut très élogieux et admiratif à l'égard de son collègue lors de son hommage du 24 octobre 1978. Ce dernier disait:

[Traduction]

Alan Macnaughton n'a jamais subi la défaite comme candidat aux élections fédérales. [...] Je l'envie [...]. Il n'a jamais été défait et je me souviens que, dans la circonscription de Mont-Royal, il a obtenu, à deux reprises, la plus forte majorité de tous les députés canadiens. Il a cédé son siège au premier ministre [...]

- Pierre Elliott Trudeau -

[...] une des erreurs qu'il a commises.

[Français]

Je dois avouer que je ne suis pas tout à fait d'accord avec le sénateur Walker. Il ajouta en conclusion:

[Traduction]

Ce genre de personne est rare en politique. Il faisait toujours preuve de modestie et de pondération dans ses propos. Il ne se vantait jamais et ne chantait jamais ses propres louanges. Pourtant, il a su réussir dans tous les postes qu'il a occupés [...]. C'est pourquoi je suis heureuse, en tant que conservatrice, de rappeler ce qu'on disait d'un grand libéral, qui a grandement contribué à édifier le Canada.
[Français]

Le sénateur Macnaughton a certainement fait honneur à tous les siens. Les membres de sa nombreuse famille peuvent être fiers de sa contribution au Canada. Il aura enrichi le pays par son talent et par son travail.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je désire rendre hommage à l'ancien Président de la Chambre des communes, Alan Macnaughton, qui nous a quittés cet été.

L'honorable Alan Macnaughton aura vécu près d'un siècle. Il a fait des études au Upper Canada College, en Ontario, à l'Université McGill, à Montréal, à la London School of Economics et à l'université de Londres.

Élu pour la première fois à la Chambre des communes en 1949 comme libéral, il fut réélu en 1953, 1957, 1958, 1962 et 1963. Il est devenu conseiller privé en 1965. Il fut Président de la Chambre des communes du 16 mai 1963 au 18 janvier 1966. Il devint sénateur le 8 juillet 1966. Juriste éminent, il fut procureur de la Couronne à Montréal et devint secrétaire du Barreau de Montréal.

J'ai eu l'occasion de le voir à l'9uvre pendant un an, lorsqu'il fut Président de la Chambre des communes. J'étais alors conseiller parlementaire adjoint au bureau du docteur Maurice Ollivier qui, pendant nombre d'années, occupa le poste de conseiller parlementaire à la Chambre des communes.

L'honorable Alan Macnaughton aura connu une très belle carrière politique comme député, Président de la Chambre et sénateur. Sa carrière juridique fut également très intéressante. Il s'intéressa aussi à plusieurs autres domaines. Il a fondé le Fonds mondial pour la nature-Canada et en devint, en 1990, membre honoraire.

Aux membres de sa famille, je désire offrir mes plus profondes condoléances.

[Traduction]

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je voudrais joindre ma voix à celle de mes collègues, le sénateur Hervieux-Payette et le sénateur Beaudoin.

Je prends la parole en ces lieux, encore émerveillée et la tête pleine de vifs souvenirs de mon installation ici, il y a deux jours à peine. Je conserve et conserverai toujours le souvenir de l'accueil chaleureux que j'ai reçu de ma famille, de mes amis et de mes collègues anciens et nouveaux, de même que le fervent espoir d'utiliser le temps que je passerai ici de façon constructive et dans le meilleur intérêt des Canadiens.

En entendant parler de la carrière du sénateur Alan Macnaughton, j'en apprends davantage à son sujet et j'en tire espoir et inspiration.

J'interviens aujourd'hui devant vous pour dire quelques mots à la mémoire du sénateur Macnaughton. D'après ce que m'en ont dit les nombreuses personnes avec qui j'ai parlé, il m'apparaît comme un homme de culture, de sagesse et d'humour. Je ne peux prétendre l'avoir bien connu, mais je puis vous dire qu'il a eu une influence importante sur ma carrière au Parlement.

J'ai fait la connaissance d'Alan Macnaughton lorsque je suis devenue la nouvelle candidate libérale pour la circonscription de Mont-Royal. J'étais nerveuse à la pensée de rencontrer un homme qui passait pour une légende vivante aux yeux de beaucoup. J'étais déjà intimidée à l'idée de faire campagne avec Pierre Elliott Trudeau, dont j'étais censée gagner le siège, et voilà que je devais rencontrer ce sénateur. Il m'a mise à l'aise. Nulle arrogance n'émanait de sa personne; il parlait simplement et franchement et, avec son calme habituel, il m'a fait part de certaines de ses expériences et de ses idées concernant la vie politique et il m'a donné ce que je considère comme un excellent conseil. Il m'a dit: «Ne vous laissez pas intimider. Soyez vous-même. Ayez le courage de vos convictions et laissez-vous guider simplement par votre conscience.»

(1430)

Pour ses amis, le sénateur Macnaughton était «un personnage, tout un personnage», comme on dit en français. Ce caractère plus grand que nature est reconnu à peu de gens, et il accompagne invariablement une personnalité si forte qu'elle laisse une marque indélébile partout où elle passe. Alan Macnaughton était ce genre d'homme: un grand Montréalais, un grand Québécois et un grand Canadien.

Durant 17 ans, Alan Macnaughton a été le député dévoué de la circonscription de Mont-Royal et, comme vous l'avez entendu, il y a été élu en 1949, 1953, 1957, 1958, 1962 et 1963. Beaucoup d'entre nous aimeraient avoir ce genre de bilan, sans tache, pour ainsi dire.

Au cours des années qu'il a passées à servir le peuple canadien à l'autre endroit, il a eu l'honneur d'être élu à la présidence de la Chambre et, à ce qu'on m'a dit, il a rempli cette tâche avec beaucoup de dextérité. Il voyait son rôle comme celui d'un conciliateur et était apte à reconnaître les possibilités de compromis. Alan Macnaughton a également entrepris d'importantes réformes au niveau de la gestion, tout d'abord en décidant d'engager des professionnels à l'année, puis en réformant de façon très intéressante les diverses règles et procédures. On a dit que le Président Macnaughton avait fait passer la Chambre des communes à l'ère moderne. On se souviendra de son calme au cours de la tempête soulevée par les fureurs partisanes.

Il a établi à plusieurs égards une norme à suivre, puisque la 26e législature a été le théâtre de certains des débats les plus longs et les plus âpres de l'histoire du Canada. Son expérience à la présidence de la Chambre a été ponctuée de toutes sortes d'événements, dont le débat sur le drapeau, les scandales sur la sécurité et la moralité, ainsi que plusieurs incidents inhabituels, par exemple le jour où un visiteur a jeté un contenant de sang sur le parquet de l'autre endroit.

La dévotion dont Alan Macnaughton a fait preuve envers ses électeurs m'a servi de guide au tout début de ma carrière, il y a de cela seize ans. La magnifique bibliothèque qu'il a fait construire à Ville Mont-Royal n'est qu'un exemple de son énorme contribution à cette circonscription très diversifiée, qui constituait déjà à cette époque un microcosme de la réalité culturelle du Canada.

À l'extérieur de la chambre, le sénateur Macnaughton est devenu l'un des premiers spécialistes canadiens du droit international. Son travail et son expérience l'ont mené partout au monde. Au cours de ses voyages, il est également devenu professeur, enseignant de façon méthodique les clefs du succès à ses jeunes protégés. Il a emmené bon nombre de jeunes avocats en Europe au cours de ses tournées semestrielles et il semble qu'il soit toujours revenu de ces voyages frais comme une rose alors que ses protégés traînaient derrière lui, totalement épuisés. Notre sénateur a toujours insisté auprès de ses jeunes collègues sur l'importance du service public. Il semble même qu'il ait déjà présenté des exposés sur le rôle du Sénat.

Le sénateur Macnaughton était très fier de siéger au Sénat. Il en a d'ailleurs défendu le rôle avec passion, tant au Canada qu'à l'étranger. Il a un jour confié à un vieil ami qu'il aimait bien, au cours de ses voyages, faire savoir qu'il était sénateur, parce que cela lui donnait souvent à tout le moins le privilège d'avoir de meilleurs chambres d'hôtel et même parfois un panier de fruits dans sa chambre.

C'était un homme très passionné et son grand intérêt et sa générosité sans borne pour le Fonds mondial pour la nature et sa très chère Université McGill se sont accrus à la fin de sa vie. Il était très fier d'avoir joué un rôle dans la mise sur pied de la Commission du parc international Roosevelt de Campobello, un monument commémoratif unique soulignant les relations étroites et amicales entre Canadiens et Américains, et marquant l'emplacement de la résidence d'été du président Roosevelt.

Le 22 juillet 1999, aux obsèques du sénateur Macnaughton en l'église St. Andrew and St. Paul à Montréal, auxquelles assistait le sénateur Prud'homme, l'église retentissait d'accords merveilleux et puissants provenant de son orgue. Notre sénateur, qui avait toujours été indépendant, avait laissé des instructions à son ami de longue date, le révérend J.S.S. Armour, le ministre très affable qui présidait le service funèbre, afin que l'organiste joue ses airs favoris pendant au moins une demi-heure avant le service comme tel. Il lui avait dit: «Si cela ne leur plaît pas, ils n'auront qu'à partir.»

Personne n'est parti. Toutes les personnes présentes étaient émues par l'excellente performance de l'organiste, John Grew. La musique que le sénateur avait choisie était un nouveau témoignage de son appréciation de la culture. Le service funèbre était vraiment une célébration de la vie du sénateur Macnaughton. Ses amis proches, Maurice Forget et Lise Singer, nous ont fait partager les souvenirs particuliers qu'ils conservent de ce grand homme.

Nous adressons à sa famille, à ses amis et à ses collègues nos remerciements pour nous avoir permis de partager une partie de la vie d'Alan Macnaughton. En avançant dans ma propre vie, j'essaie de garder à l'esprit les sages paroles du sénateur Macnaughton - dont il est important que chacun se souvienne:

Ne vous laissez pas intimider. Soyez vous-même. Ayez le courage de vos idées et suivez votre conscience.

L'avoir connu est un privilège et, au nom des habitants de Mont-Royal, je présente toutes mes condoléances à sa famille.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, notre collègue, le sénateur Finestone, soulignait ma présence, cet été, aux funérailles de l'honorable Alan Macnaughton. Notre présence était bien naturelle. En effet, lors de mon arrivée comme député, en 1964, l'honorable Alan Macnaughton était Président de la Chambre des communes.

Nous avons souligné son extraordinaire popularité puisque ses majorités ont toujours été très confortables, sauf une. Je voudrais dire un mot à ce sujet. Il fut élu en 1949 avec 10 000 voix de majorité, en 1953 avec 9 000, en 1957 avec 7 000, en 1962 avec 20 000 et en 1963 avec 28 000, mais sa réélection en 1958, à l'arrivée de M. Diefenbaker, fut très difficile. Le sénateur Macnaughton m'a bien aidé lorsque je me suis établi comme député et je me demandais pourquoi. Il m'a répondu que c'était grâce à mon frère - ne vous choquez pas, gens qui croient que nous mêlons religion et politique - feu l'abbé Gérard Prud'homme, vicaire à la paroisse Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal. Il avait vigoureusement fait campagne, discrètement, pour l'honorable Alan Macnaughton. Ceux qui ont de la mémoire se souviendront qu'il avait affronté un adversaire conservateur farouche, le maire Dawson, de Ville Mont-Royal, qui avait essuyé la défaite par seulement 489 voix et c'est dans Notre-Dame-des-Neiges qu'il avait obtenu cette majorité, grâce à l'appui du directeur de la Caisse populaire de Notre-Dame-des-Neiges.

Je conserve précieusement le souvenir du fameux débat sur le drapeau. Nous sommes quatre survivants: deux sont à la Chambre des communes, le Très honorable premier ministre, Jean Chrétien, mon ami de collège et mon ami de toujours ainsi que l'honorable Herb Gray, le doyen de la Chambre des communes. Si on compte les années de service, je serai toujours le deuxième après lui. Il y a au Sénat un autre survivant de ce débat, l'honorable sénateur Stewart, le distingué président de notre comité permanent des affaires étrangères.

Ceux qui ont assisté à ce débat ont participé à un véritable débat passionnel. J'ai entendu à peu près tout ce qui pouvait se dire sur ce drapeau du Canada. C'était un cadeau du peuple canadien-français, surtout du Québec, au Canada. Pourtant, cette mesure a été débattue farouchement par plusieurs partis politiques, en particulier l'ancien Parti conservateur. Aujourd'hui, ce débat ne pourrait avoir lieu avec les conservateurs que je vois autour de moi. Il faut quand même avoir de la mémoire.

Grâce au flegme très britannique et au calme de M. Macnaughton, nous avons été en mesure de passer au travers du pire débat auquel j'ai assisté depuis que je suis député. Vous pensez sans doute que le débat sur la TPS au Sénat a été épouvantable. Je vais laisser l'histoire en juger. Je peux vous assurer que grâce au calme, déconcertant à l'occasion, de M. Macnaughton, nous avons pu clore ce débat à la fin de décembre 1964. Le Canada a obtenu officiellement son drapeau le 15 février 1965.

Je me devais d'être présent. C'est là que j'ai découvert que lorsqu'on vieillit, on nous oublie très vite. Le sénateur Finestone et moi-même étions les seules personnes présentes. Heureusement qu'à l'époque, elle était membre de la Chambre des communes; on peut donc dire que les deux Chambres étaient représentées. Cependant, pour un homme qui avait été Président de la Chambre des communes, j'étais surpris de voir qu'il y avait si peu de représentants de notre Parlement. C'est un exemple que nous devrions retenir.

(1440)

Un ancien sénateur que nous avons tous respecté, et que je considère comme un ami très personnel, assistait aussi aux funérailles. Un homme qui ne m'a jamais reproché de siéger comme indépendant puisque c'est un peu son idée que j'ai adoptée. Il s'agit du sénateur Hartland Molson, un géant de la politique, qui marchait comme un jeune homme, un peu à l'image de M. Macnaughton. Je remercie le sénateur Finestone de me le rappeler. Cela me permet de le saluer en votre nom et de lui dire de continuer à trôner derrière les Canadiens de Montréal, comme on le voit à la télévision à chaque partie de hockey en compagnie de son épouse.

Je voudrais quand même que l'on se souvienne qu'Alan Macnaughton a su guider le Parlement dans des moments difficiles. C'est un modèle que j'utilise lorsque je dis aux étudiants que dans les bons moments, il est facile d'être populaire, mais que c'est moins évident de garder son calme dans les moments difficiles.

Je voudrais, en compagnie des sénateurs Finestone, Hervieux-Payette et Beaudoin, me faire l'écho des bons sentiments qui ont été exprimés et offrir à ses trois enfants, Elizabeth White, Alan Aylesworth et Laurence Robert Norton, mes meilleures condoléances et l'assurance que le souvenir de leur père restera gravé dans la mémoire de ceux qui l'ont connu.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Jean Drapeau

Hommages

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, depuis le décès de Jean Drapeau, presque tout a été dit et écrit au sujet de sa vie publique, de sa carrière et de ses réalisations. Je n'ai donc pas l'intention, aujourd'hui, de répéter ce qu'on connaît si bien de lui. Je désire plutôt rendre hommage à Jean Drapeau, le collègue et ami que j'ai eu l'honneur de côtoyer pendant près de 40 ans.

[Français]

D'apparence sobre, même austère, avec son complet foncé et ses lunettes à grosse monture noire, Jean Drapeau cachait au public une personnalité des plus attachantes. Armé d'un esprit vif et malicieux et d'un sens de l'humour bien rodé, il aimait se délasser avec ceux dont la discrétion était à toute épreuve. C'est alors, bien souvent, autour d'une bonne table bien arrosée, qu'il confiait ses impressions sur les événements du jour et sur ceux qui y étaient mêlés. Toujours respectueux de ceux et celles qui oeuvrent dans la vie publique, Jean Drapeau savait quand même les évaluer, et pas toujours dans un sens favorable. Ce qui le distinguait des autres, c'est que, même s'il était une cible facile pour ses détracteurs, on ne l'a jamais entendu se servir en public d'un langage dédaigneux à leur égard. Le mot médisance ne faisait pas partie de son vocabulaire.

Une de ses plus grandes qualités était d'être disponible pour ses amis et ses collègues, même durant les périodes les plus occupées et les plus difficiles. Une carte de prompt rétablissement, un appel téléphonique à l'occasion d'un anniversaire, une lettre de condoléances; ces petits gestes, souvent inattendus et toujours appréciés, lui étaient naturels.

En politique, l'amitié est trop souvent éphémère, mais Jean Drapeau savait faire la distinction entre les amis des beaux jours et ceux pour qui son amitié était si précieuse. Sa sympathie était acquise à ces derniers, envers lesquels il faisait toujours preuve d'une grande sensibilité.

Tous pleurent la mort de Jean Drapeau, homme exceptionnel, Montréalais convaincu, ardent Québécois et Canadien loyal. Le chagrin de ceux qui ont joui de sa générosité et de sa gentillesse est encore plus grand. Ses amis ont au moins la consolation de savoir que Jean Drapeau leur laisse des souvenirs toujours vivants et inoubliables qui permettent de mieux supporter leur peine.

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prononcer cette allocution au nom du sénateur Lise Bacon.

Honorables sénateurs, je voudrais joindre aujourd'hui ma voix à tous ceux qui, depuis son décès le 12 août dernier, ont rendu hommage à Jean Drapeau. L'ampleur de l'affection manifestée par les simples citoyens et le nombre et la qualité des témoignages recueillis auprès des personnalités publiques montrent à quel point l'ancien maire de Montréal était respecté et aimé des Montréalais. Même dix ans après avoir quitté l'hôtel de ville de Montréal, les Montréalais qui le croisaient l'appelaient toujours affectueusement «Monsieur le maire». Respect et amour bien mérités pour un homme qui a consacré l'ensemble de sa carrière politique au bien-être et au bonheur de ses concitoyens.

Mais la dimension du personnage et l'étendue de ses réalisations dépassent largement les frontières de la ville à laquelle il a consacré l'essentiel de sa vie publique. Son oeuvre à la tête de la Ville de Montréal a fait de lui l'une des personnalités politiques marquantes du XXe siècle au Québec et au Canada. En effet, ce ne sont pas seulement les Montréalais qui ont pu jouir de la renommée internationale qu'a su donner Jean Drapeau à leur municipalité. L'Exposition universelle de 1967 et les Jeux olympiques de 1976 ont également offert au Canada une vitrine internationale, une visibilité remarquable qui lui avait malheureusement fait défaut jusque-là. C'est un peu grâce à Jean Drapeau si, en moins d'une décennie, notre pays cessait, aux yeux du reste du monde, d'être l'étendue semi-désertique longeant la frontière nord des États-Unis pour devenir le pays moderne et dynamique qu'il était devenu.

Deux mots définissent admirablement bien la carrière de Jean Drapeau: intégrité et vision. C'est son intégrité qui a permis au jeune avocat Jean Drapeau, au début des années 50, de s'imposer aux côtés de Pacifique Plante alors que les deux hommes luttaient pour moraliser les pratiques de l'administration municipale montréalaise. Élu une première fois maire en 1954, Jean Drapeau a poursuivi l'assainissement de la vie municipale. À mes yeux, le fait qu'en 1957 Maurice Duplessis ait tout fait pour l'évincer de la mairie de Montréal lui donne ses lettres de créance.

Réélu en 1960, il pouvait maintenant consacrer l'essentiel de son temps et de ses énergies à concrétiser le rêve qu'il caressait: faire de Montréal une ville aux dimensions internationales. Sans relâche, avec conviction et détermination, il est allé chercher l'appui de la population et des gouvernements pour faire en sorte que sa vision devienne réalité.

En 30 ans à la tête de Montréal, Jean Drapeau a su donner à sa ville le statut et la renommée qui font encore aujourd'hui la fierté de ses habitants. Comme l'a si bien dit son ancien adversaire politique, Jean Doré:

Jean Drapeau a rendu les Montréalais fiers et confiants d'eux-mêmes face au monde.

Ses réalisations sont trop nombreuses pour que je puisse en dresser une liste exhaustive. La Place des arts, le métro, l'Exposition universelle de 1967, les Jeux olympiques, les Floralies internationales, voilà quelques-unes des réalisations qu'il a laissées en héritage aux Montréalais.

À son épouse et à ses enfants, je voudrais donc offrir mes respectueuses condoléances.

(1450)

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, quand Jean Drapeau était maire de Montréal, j'étais un de ses critiques les plus assidus. J'étais journaliste-éditorialiste et une partie importante de mon travail était de commenter les affaires publiques et surtout politiques. J'ai fait des dizaines, peut-être même des centaines de commentaires très durs au sujet des politiques de M. Drapeau. Pour la plupart, je vous avoue que je les referais probablement encore aujourd'hui, mais la grandeur d'un leader peut souvent se mesurer par la force des critiques qu'il attire.

Jean Drapeau était un très grand leader, un de ces géants politiques que le Québec, plus que toute autre partie du pays, a le don de produire.

Physiquement, il n'impressionnait guère. Certains pensaient qu'il avait l'air d'un petit comptable ou d'un notaire de campagne - j'ai toujours pensé qu'il était l'incarnation parfaite d'Hercule Poirot, le détective d'Agatha Christie - mais dès qu'il ouvrait la bouche pour parler, on se rendait compte que c'était un homme qui avait une force extraordinaire, unique et inoubliable, une force irrésistible d'intelligence, d'imagination, de vision et, peut-être, surtout de volonté.

Pour M. Drapeau rien n'était impossible et parce que les Montréalais savaient que leur maire était capable de tout réaliser, ils étaient prêts à partager ses rêves et à les mettre en oeuvre.

[Traduction]

Si vous n'avez jamais fait sa connaissance, vous ne pouvez imaginer la force de persuasion qu'il employait pour rallier quelqu'un à sa cause. Je me souviens d'une rare occasion où il m'a accordé une entrevue et m'a parlé des derniers rêves qu'il caressait pour Montréal. Cette ville était censée devenir le centre des transports de tout le littoral nord-est, voire du littoral sud-est de l'Amérique du Nord. Cela ne s'est pas produit, bien entendu. Même à ce moment-là, un observateur objectif pouvait voir que ce rêve ne se concrétiserait pas, mais lorsqu'on écoutait M. Drapeau, tout scepticisme disparaissait pour un moment. On se laissait emporter par son enthousiasme délirant, par son refus de laisser sa magnifique vision obstruée par des vétilles.

Souvent - pas toujours mais souvent - il a réussi alors que personne n'imaginait que le succès était possible. Il aimait Montréal avec une passion inébranlable. Rien n'était trop beau, nul projet n'était trop fou pour Montréal. Il caressait de grands rêves et ses concitoyens l'aimaient pour cela.

Ceux d'entre nous qui l'ont critiqué peuvent dénigrer ses projets; nous pouvons juger ses erreurs avec mépris, mais nous n'avons jamais douté de ses motifs. Même dans ses heures sombres - et il en a eu - nous savions que tout ce qu'il faisait, il le faisait pour la plus grande gloire de Montréal.

En 1986, j'ai assisté à la conférence de presse où, déjà affaibli par la maladie, il a annoncé sa démission. Au moment où il lisait sa déclaration toute faite, sa voix a commencé à trembler et il a été sur le point de perdre contenance. Il a interrompu sa lecture. Il y a eu un moment de silence. Puis, spontanément, la horde de journalistes cyniques a fait quelque chose que les membres de la presse ne font jamais. Elle l'a applaudi chaleureusement pour l'aider à surmonter son émotion.

[Français]

C'était un témoignage éloquent du respect que nous avions tous pour ce grand homme, un homme que l'histoire reconnaîtra comme le plus grand maire que Montréal a eu, et sans doute comme le plus grand maire que Montréal aura.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui ne reflètent qu'une partie de ce qu'était Jean Drapeau. Si je disais la vérité, plusieurs personnes en seraient gênées. Pour ceux qui ne connaissent pas certains aspects de Jean Drapeau, il aurait été bon qu'ils regardent le documentaire sur Jean Drapeau diffusé par Radio-Canada du 7 au 9 septembre, à tous les soirs 21 heures.

L'image que l'on a créée de Jean Drapeau a toujours été erronée. Il était un grand nationaliste canadien-français du Québec, bien qu'on l'ait fait passer pour beaucoup d'autres choses. Plus il vieillissait, moins il était tenté de dévier de ce qu'était un véritable Canadien français. Ceux qui, comme moi, s'affichent comme tels ne peuvent rester insensibles et silencieux lorsqu'on parle de Jean Drapeau.

La première personne que Jean Drapeau a rencontrée au conseil municipal, en 1954, était mon père. Mon père était conseiller municipal indépendant de la Ville de Montréal. Je ne sais pas si c'est une maladie de famille, mais mon père n'a jamais accepté les partis politiques au niveau municipal. Il avait raison à l'époque et il a encore raison aujourd'hui. Les électeurs devraient voter pour le meilleur candidat de leur quartier et surveiller ce qui se passe sur la place publique lorsque vient le temps de former un comité exécutif. Ce serait beaucoup plus sain pour la démocratie.

Mon père était celui que M. Drapeau voulait avoir, et c'est grâce à l'amitié que Pierre Desmarais lui portait, lui qui a été le premier président du comité exécutif. Mais il y avait une attrape: pour faire partie d'un parti politique, il fallait débourser 1 500 dollars. Quelle horreur pour mon père, qui n'était pas connu pour dépenser ses sous trop facilement! C'était difficile pour lui de le comprendre puisque le salaire d'un conseiller municipal n'était que de 1 500 dollars par année à cette époque. Il s'est donc éclipsé.

Ce qui me fatigue le plus, ce sont ces gens qui veulent toujours faire du révisionnisme. C'est Jean Drapeau qui avait répondu au soi-disant «Vive le Québec libre!» du général de Gaulle. Hier soir encore, on a présenté partiellement à Radio-Canada ce qui continue d'être - ce qui a toujours chicoté M. Drapeau - le mensonge du siècle.

Sur le balcon de l'hôtel de ville, le général de Gaulle avait dit: «Vive Montréal! Vive le Québec! Vive le Québec libre! Vive le Canada français!», mais on persiste à ne jamais montrer la dernière partie du discours du général de Gaulle sur le fameux balcon. C'est moi qui ai réussi à obtenir la copie complète du voyage du général Charles de Gaulle au Québec, où il fait chanter « Ô Canada» dans certains villages. Je ne défends pas le général de Gaulle, j'essaie d'expliquer les pages d'histoire qu'on veut oublier.

Il y a un film dans les archives de Radio-Canada qu'on ne nous montre pas. J'en ai une copie, que j'ai donnée au maire Drapeau.

(1500)

Je regretterai toujours que des gens à Ottawa aient perdu la tête et aient rendu impossible sa visite ici. Il serait venu à Ottawa si on n'avait pas réagi aussi stupidement à l'époque. Je m'excuse de le dire au Sénat. En temps utile, nous l'expliquerons.

Jean Drapeau, lorsqu'on le faisait parler à la télévision, disait toujours: «les Canadiens français, nous, le Canada français». Cela existait pour lui, cela existe pour moi et pour beaucoup de mes collègues, à l'exception d'un seul, qui préfère se dire Québécois. Si nous ne comprenons pas ce que cela veut dire, nous connaîtrons toujours des difficultés de cohabitation harmonieuse. Il ne faut pas faire croire que Jean Drapeau était autre chose que ce qu'il était. Probablement que dans sa jeunesse, il était beaucoup plus perçu comme un nationaliste, puisqu'il était membre du Bloc populaire. Rappelez-vous que le chef du Bloc populaire, André Laurendeau, a été élu dans mon quartier. Ma mère présidait l'assemblée d'investiture d'André Laurendeau pendant que mon père présidait celle du candidat libéral. Vous pouvez constater les contradictions.

René Lévesque a été élu chez nous parce que je me suis retiré de la course, car j'étais le candidat libéral en 1960. On veut toujours faire croire que ce que certains sont - et ce qu'ils veulent accomplir dans ce pays - ne le sont pas. Je dis aux conservateurs que Jean Drapeau aurait pu être votre chef. Il y a eu une rencontre entre Jean Drapeau et John Diefenbaker alors que celui-ci était premier ministre. Un excellent ami de M. Drapeau, celui qui peut se réclamer d'une grande amitié, le sénateur Lynch-Staunton, est bien plus au courant de ces détails que je ne le suis. Malheureusement, on a fait attendre M. Drapeau un peu trop longtemps dans l'antichambre. Il a pris son chapeau et il est retourné à Montréal. Cela a été la fin de sa tentation fédérale.

Nous rendons hommage à un homme qui a cru passionnément au Canada, à sa manière, qui a fait de Montréal une grande ville internationale. Il avait ses défauts. Dieu sait que le sénateur Fraser a su très souvent nous les rappeler! Vers la fin, lorsque tout le monde a applaudi, elle-même a été très émue. Ceci veut dire qu'il faut écrire puisqu'il faut écrire, mais lorsque vient le grand moment, on se ramène soi-même à la réalité.

À Mme Drapeau, que je connais très bien, et à ses enfants, j'offre mes sincères condoléances.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période réservée aux déclarations de sénateurs est maintenant écoulée, mais trois sénateurs de plus ont exprimé le désir de prendre la parole. Les sénateurs sont-ils d'accord pour que nous entendions ces trois sénateurs?

Des voix: D'accord.

Les pêches et les océans

L'effondrement de la pêche au saumon rouge dans le fleuve Fraser

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, cet été, sur la côte sud de la Colombie-Britannique, la pêche au saumon rouge dans le Fraser pour 1999 s'est effondrée de façon grave et inattendue. Le ministère des Pêches et des Océans a imposé des fermetures sans précédent, citant les effets du phénomène El Niño, des températures océaniques plus chaudes et le nombre beaucoup plus grand de prédateurs comme le maquereau et le thon qui se tiennent dans les eaux plus chaudes.

Le pêche au saumon rouge dans le Fraser est un secteur de pêche dominant sur la côte ouest, représentant 60 p. 100 des recettes commerciales. Elle n'a jamais été fermée auparavant. La valeur de ce secteur de pêche pour la Colombie-Britannique se situe entre 200 millions et 500 millions de dollars par année, selon le cycle du saumon. En termes économiques, le coût de l'effondrement cette année a été estimé à 402 millions de dollars, et c'est là un chiffre conservateur.

Cet effondrement est un autre coup dur porté aux collectivités côtières de la Colombie-Britannique après des années de guerres dans le secteur des pêches, de restructurations par le gouvernement fédéral et de conditions océaniques instables et plusieurs saisons marquées par des prix extrêmement bas. Pour certains groupes de pêcheurs sur la côte sud, cette perte représente 98 p. 100 des possibilités économiques de la saison, à un moment où plusieurs d'entre eux comptaient sur le revenu de la pêche de cette année pour se remettre sur pied.

En réponse à cette crise, 22 organisations de la Colombie-Britannique, représentant toutes les facettes de l'industrie - soit la pêche commerciale, la pêche sportive et la pêche autochtone - ont uni leurs efforts pour examiner sur les éléments biologiques, économiques et sociaux de l'effondrement. Ce niveau de collaboration est aussi sans précédent.

Le comité mis sur pied pour tenter de dénouer la crise touchant le saumon rouge du Fraser, facilité par le réseau communautaire côtier de la Colombie-Britannique, fait des pression auprès des gouvernements provincial et fédéral pour que l'effondrement de la pêche au saumon rouge dans le Fraser soit déclaré désastre naturel et pour mettre en place un processus de négociation afin de fournir de l'aide immédiate à ceux qui en ont besoin.

Les précédents sont là. L'industrie de l'aquaculture a reçu de l'aide à court terme lorsqu'un virus en a forcé la fermeture en 1998. Une aide semblable a également été fournie aux acériculteurs de l'Ontario et du Québec après la tempête de verglas de l'an dernier, ainsi qu'aux céréaliculteurs des Prairies. L'effondrement de la pêche au saumon rouge dans le Fraser est également un désastre naturel, et ses conséquences sur les collectivités côtières de la Colombie-Britannique sont tout aussi dévastatrices.

Les parlementaires des régions côtières de la Colombie-Britannique, c'est-à-dire tous les députés provinciaux ou fédéraux et les sénateurs de ces régions, ont été invités à assister à une réunion d'urgence du comité qui s'emploie à trouver une solution à la crise touchant le saumon rouge du Fraser, le vendredi 10 septembre, à Vancouver, cela, pour faire comprendre aux gouvernements provincial et fédéral la nécessité de prévoir des mesures d'aide sociale et économique pour les particuliers et les collectivités côtières durement touchés par l'effondrement des stocks de 1999.

Nous espérons que les parlementaires des régions côtières pourront appuyer les efforts déployés par le comité afin de porter les besoins des collectivités côtières de la Colombie-Britannique à l'attention des autorités provinciales et, en particulier, du gouvernement fédéral qui a trouvé des fonds pour offrir à des immigrants illégaux ayant contourné notre procédure de demande du statut de réfugié des repas dans des restaurants quatre étoiles, des places au cinéma et des Frisbee, mais qui n'a pas encore réussi à accorder des fonds aux localités de pêcheurs.

La santé

Mesures législatives visant à interdire le don d'organe sélectif

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, imaginez qu'un citoyen canadien se fasse refuser une transplantation de coeur et de rein simplement parce qu'il est noir ou asiatique. Vous me direz que c'est impossible, que cette situation ne pourrait jamais se produire au Canada. La Grande-Bretagne a toutefois été secouée par une révélation fracassante cet été lorsqu'on a appris qu'un service de transplantation du Royaume-Uni avait apparemment accepté les organes d'un donneur qui avait stipulé que ceux-ci devaient exclusivement être greffés à des patients «blancs».

Au cours d'un voyage en Angleterre que j'ai fait au début de juillet, un article de fond du London Times a retenu mon attention. Le secrétaire à la santé venait d'ordonner la tenue d'une enquête sur des allégations selon lesquelles une famille de Sheffield, en Angleterre, s'était entendue avec le service de transplantation pour que les reins d'un parent ne soient utilisés que s'ils étaient destinés à quelqu'un qui n'était pas un individu de couleur.

Cette histoire a causé tout un émoi et donné lieu à une foule d'articles, d'opinions et de lettres publiées dans le courrier des lecteurs et rédigées par des médecins, des spécialistes des services de santé, des avocats et de simples citoyens. La majorité de ceux qui ont pris le temps d'écrire s'indignaient sur le plan moral, mais d'autres s'inquiétaient des répercussions que cet événement pourrait avoir sur le système de santé britannique. Il y a eu des débats houleux sur le droit des donneurs d'organes ou de leurs parents d'assortir de conditions l'utilisation des organes et sur l'éthique des autorités en matière de santé qui acceptent ou refusent que les dons d'organes soient assortis de critères sélectifs.

Certains ont fait une mise en garde quant à l'idée d'imposer des restrictions législatives dans des domaines qui reposent sur l'altruisme ou les dons de charité, signalant que pareilles mesures législatives pourraient dissuader les gens de faire des dons et aggraver les problèmes déjà sérieux liés à la pénurie d'organes en Grande-Bretagne.

Le droit britannique stipule qu'une fois qu'une personne est décédée, son corps est la propriété de l'État et non de cette dernière ou de sa famille, ce qui rend nulles et non avenues toutes conditions relatives à ses organes imposées par l'une ou l'autres de ces deux parties. Ce n'est pas la situation au Canada, où la jurisprudence a établi que ne pas exécuter les instructions du conjoint, de la conjointe ou du parent le plus proche de la personne décédée concernant le don de ses organes peut équivaloir à brimer leur droit à disposer du corps de cette dernière comme ils l'entendent et donner lieu à des poursuites en dommages et intérêts. Cela veut dire que, s'il se produisait au Canada une situation similaire à celle de Sheffield, nos lois, au moins dans certaines provinces, la justifierait.

Au Canada, le taux de don d'organes n'a pas progressé au même rythme que la demande. Nous avons parmi les meilleures installations et les meilleurs chirurgiens au monde pour faire des transplantations, mais l'un des pires taux de don d'organes des pays industrialisés. Selon l'Institut canadien d'information sur la santé, en 1997, 3 072 patients attendaient une transplantation d'organe, soit une augmentation de 68 p. 100 par rapport à 1991, année où ce chiffre était de 1 830. Les statistiques sur les dons brossent un tableau tout aussi peu reluisant. Entre 1992 et 1996, le nombre de donneurs n'a augmenté que de 22 p. 100.

(1510)

À la fin de 1996, il n'y avait au Canada que 14,1 donneurs d'organes potentiels par million d'habitants.

En avril, le comité permanent de la santé de la Chambre des communes a publié un rapport intitulé: «Le don et la transplantation d'organes et de tissus: Une approche canadienne», dans lequel il recommande plusieurs solutions pour modifier le système canadien de don d'organes.

Ce que le comité n'a pas abordé, c'est la possibilité et la légalité des dons conditionnels du genre de celui qui a eu lieu au Royaume-Uni.

Une vie est une vie, quelle que soit la couleur de la peau.

Cette réflexion citée par le journal The Times est de M. Allahadad, malade du rein anglais écoeuré par ce qui s'est passé à Sheffield. Ces paroles donnent à réfléchir quand on vit dans un pays dont les fondations reposent sur le principe que tous les êtres humains sont égaux.

Le don d'organes est un sujet très délicat, mais il est clair que nous devons nous doter d'une loi bien rédigée interdisant les dons conditionnels, que ce soit en fonction de la race, de l'origine ethnique ou de l'orientation sexuelle. Il serait bien triste d'apprendre un jour, dans les manchettes des journaux, que la greffe d'un organe est refusée à un citoyen canadien à cause de stipulations à cet effet par le donneur ou sa famille pour des motifs raciaux. En tant que législateurs, nous devons voir à ce que cette question soit examinée et réglée de manière à éviter qu'une tragédie de ce genre ne se produise au Canada.

Le Sénat

Jeanie W. Morrison, C.R.S., gestionnaire et éditeur, Direction des débats et des publications-Hommages à l'occasion de son départ à la retraite

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, vous êtes-vous jamais demandé où en serait le Sénat sans les imprimés? Après tout, ne sommes-nous pas de simples marchands de mots? Où serions-nous, honorables sénateurs, sans les Débats du Sénat?

Sans les imprimés, les sénateurs laisseraient une trace beaucoup trop délébile dans l'histoire. En fait, leurs discours éthérés disparaîtraient dans la poubelle de l'histoire. Certains jours, d'aucuns diraient que l'idée n'est pas si mauvaise.

De temps à autre, pourtant, nous devons nous rappeler que ces professionnels qui sont assis jour après jour devant nous au Sénat, nos sténographes parlementaires, sont notre lien indispensable avec la politique officielle et avec l'histoire.

Jeanie Morrison, éditeur de la Direction des débats, prend sa retraite le 24 septembre prochain, au terme d'une carrière fort impressionnante. Je remercie Richard Greene d'avoir attiré mon attention sur son départ.

Jeanie s'est jointe à l'équipe du Sénat en février 1983. Elle est rapidement devenue sténographe principale en 1989, puis éditeur adjoint en 1992, et enfin gestionnaire et éditeur des débats en 1996.

On ne peut passer sous silence le fait qu'elle a été l'une des deux premières femmes sténographes judiciaires à la Cour suprême de l'Ontario avant de venir au Sénat. De même, elle a été la première femme à occuper les postes de sténographe principale, d'éditeur adjoint et d'éditeur des débats du Sénat.

Mais toutes ces premières comptent peu quand on pense aux formidables compétences de Jeanie en ce qui concerne la maîtrise de la langue anglaise. Quand nous terminons nos travaux ici, à la fin de chaque journée de séance, honorables sénateurs, le travail des sténographes du hansard commence à peine pour se terminer tard le soir. C'est Jeanie qui a permis de remettre de l'ordre dans la syntaxe boiteuse de mes discours, soulignant qu'une phrase doit être complète, que tous les mots ne commencent pas par des majuscules, qu'un point virgule remplace parfois avantageusement deux points et qu'un point suffit là où j'aurais tendance à mettre un point d'exclamation.

Je suis convaincu de parler au nom de tous les honorables sénateurs en souhaitant à Jeanie une retraite agréable et bien remplie lorsqu'elle quittera le Sénat, le 24 septembre prochain.

Pensez que l'intérêt de Jeanie pour le hansard du Sénat va bien au-delà des besoins professionnels. Jeannie a été un membre actif de l'Association canadienne des éditeurs de hansards et de l'Association des éditeurs de hansard du Commonwealth. Elle a même payé elle-même ses dépenses pour assister à des conférences lorsque le Sénat était au milieu d'un de ses nombreux programmes d'austérité. En 1997, elle a été choisie comme rédactrice du bulletin d'information de l'association canadienne. À tous les égards, Jeanie était une grande professionnelle et un membre exemplaire du personnel du hansard. Sans son travail consciencieux, honorables sénateurs, nous ne laisserions même pas une note au bas des pages de l'histoire.

Rudyard Kipling a écrit un jour:

Je suis, par vocation, un revendeur de mots et, bien sûr, les mots sont la drogue la plus puissante jamais utilisée par l'humanité.

Le travail que Jeanie a fait sur nos mots a rehaussé le pouvoir du Sénat.

Je souhaite à Jeanie Morrison une excellente santé et du plaisir dans ses voyages futurs. Elle peut avoir l'assurance de la gratitude du Sénat et de tous les sénateurs pour le service hors pair et infatigable qu'elle nous a donné.

Au revoir, Jeanie!


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi canadien sur la protection de l'environnement (1999)

Rapport du comité

L'honorable Ron Ghitter, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 9 septembre 1999

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles à l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 8 juin 1999, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
RONALD D. GHITTER

(Le texte de l'annexe figure en annexe des Journaux du Sénat, p. 1843)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Taylor, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

Projet de loi d'intérêt privé

Section canadienne de l'Église morave d'Amérique-Rapport du comité

L'honorable Lowell Murray, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant:

Le jeudi 9 septembre 1999

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

VINGT-TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-30, Loi modifiant la Loi constituant en personne morale le Conseil des anciens de la section canadienne de l'Église morave d'Amérique, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 16 juin 1999, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
LOWELL MURRAY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Taylor, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein présente le projet de loi S-31, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (poète officiel du Parlement).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Grafstein, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Sommet de la Francophonie

Avis d'interpellation-La jeunesse-la dimension politique

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je donne avis que le 16 septembre prochain, j'attirerai l'attention du Sénat sur le récent Sommet de la Francophonie tenu à Moncton, du 3 au 5 septembre. Ce sommet était consacré à la jeunesse, dont la participation active est essentielle pour assurer l'avenir de la Francophonie.

Il y a aussi été question de la dimension politique de la Francophonie, et les participants ont mis l'accent sur la prévention et la résolution des conflits, la sécurité des populations civiles et le renforcement de l'État de droit et de la démocratie.

[Traduction]

(1520)

Distinctions décernées à des Canadiens par le Royaume-Uni

Avis d'interpellation

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux paragraphes 56(1) et (2) et 57(2) du Règlement du Sénat, je donne avis que, mardi prochain, j'attirerai l'attention du Sénat sur:

a) les personnes nées au Canada qui ont siégé à la Chambre des communes du Royaume-Uni, y compris le natif de l'Ontario Edward Blake, ministre de la Justice du Canada de 1875 à 1877 et chef du Parti libéral du Canada de 1880 à 1887, le natif du Nouveau-Brunswick Bonar Law, très hon. premier ministre du Royaume-Uni de 1922 à 1923, et le natif de l'Ontario sir Bryant Irvine, vice-président de la Chambre des communes du Royaume-Uni de 1976 à 1982;

b) les personnes nées au Canada qui ont siégé à la Chambre des lords du Royaume-Uni, y compris Richard B. Bennett, très hon. premier ministre du Canada de 1930 à 1935, et lord Beaverbrook, ministre du Royaume-Uni;
c) les Britanniques de naissance nés au Royaume-Uni et dans les colonies qui ont siégé au Sénat et à la Chambre des communes du Canada, y compris le très hon. John Turner, premier ministre en 1984 et chef de l'opposition libérale de 1984 à 1990, et moi-même, sénateur noir né dans les Antilles britanniques;
d) les juges en chef de la Cour suprême du Canada ayant fait partie du Conseil privé du Royaume-Uni et la nomination du juge en chef de la Cour suprême du Canada, le très hon. Thibaudeau Rinfret, au Conseil privé du Royaume-Uni, en 1947;
e) les nombreux distingués Canadiens qui ont depuis 1919 reçu des honneurs du roi ou de la reine du Canada, y compris l'élévation à l'ordre de la chevalerie en 1934 de sir Lyman Duff, juge en chef de la Cour suprême du Canada, en 1935 de sir Ernest MacMillan, musicien, en 1986 de sir Bryant Irvine, parlementaire, en 1994 de sir Neil Shaw, industriel, et en 1994 de sir Conrad Swan, conseiller du premier ministre Pearson au sujet du drapeau national du Canada;
f) les nombreux distingués Canadiens qui ont reçu 646 honneurs et décorations de souverains étrangers non britanniques-canadiens entre 1919 et février 1929;
g) la recommandation par le premier ministre britannique Tony Blair à Sa Majesté la reine Elizabeth II portant de nommer comme membre non héréditaire de la Chambre des lords Conrad Black, distingué entrepreneur et éditeur canadien et colonel honoraire des gardes à pied du Gouverneur général du Canada;
h) la résolution Nickle de 1919, une motion de la Chambre des communes du Canada en vue d'une adresse à Sa Majesté le roi George V, et les propos que le premier ministre R.B. Bennett a tenus en 1934 à son sujet:
«C'était aussi inefficace en droit que possible. Non seulement c'était inefficace, mais c'était aussi, je regrette de le dire, un affront au souverain lui-même. N'importe quel avocat de droit constitutionnel ou quiconque se donne la peine d'étudier cette question s'en rend bien compte.»;
i) les propos que le premier ministre R.B. Bennett a tenus en 1934:
«Tant que je resterai citoyen de l'Empire britannique et loyal sujet du roi, j'entends reconnaître au souverain la prérogative de reconnaître les services de ses sujets.»;
j) la position juridique et constitutionnelle des Canadiens de naissance et de citoyenneté concernant leur aptitude ou leur inaptitude à siéger à la Chambre des lords et ou à la Chambre des communes du Royaume-Uni, notamment les Canadiens domiciliés au Royaume-Uni et jouissant de la double citoyenneté du Royaume-Uni et du Canada;
k) la position juridique et constitutionnelle des Canadiens domiciliés au pays ou à l'étranger concernant leur droit de recevoir des honneurs et des distinctions de leur propre souverain, la reine Elizabeth II du Canada, ainsi que leur droit de recevoir des honneurs et des distinctions de souverains autres que le leur;
l) les honneurs, les distinctions et les décorations qui ne sont pas héréditaires comme le pairie à vie, l'élévation à l'ordre de la chevalerie et les ordres militaires et de chevalerie;
m) le faux républicanisme suivant lequel il est antidémocratique que quelqu'un puisse recevoir de son propre souverain des honneurs non héréditaires en reconnaissance de son service public et au vandalisme historique et constitutionnel systématique de l'ordre constitutionnel du Canada, la reine et le Parlement.
[Français]

Projet de loi sur l'office d'investissement des régimes de pensions du secteur public

Présentation d'une pétition

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'oppositon): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une pétition signée par 2 927 employés ou membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, local de Montréal, demandant au Sénat de modifier le projet de loi C-78 de façon à ce que les négociations puissent débuter immédiatement et, à défaut de quoi, le Sénat devrait songer à rejeter le projet de loi.

[Traduction]

La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999)

Présentation de pétitions

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une série de pétitions provenant de communautés du Nunavut et concernant le projet de loi C-32. Je profite de l'occasion pour dire que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a tenu compte des préoccupations des gens du Nord, comme on peut le constater dans son rapport.

Je suis aussi heureux d'affirmer que le ministre de l'Environnement a accepté de travailler de concert avec le ministre de la Santé pour assurer l'innocuité de nos aliments. Il y a encore beaucoup à faire, mais je crois que l'engagement des ministres et le rapport du comité sénatorial constituent un excellent départ.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le conseil du trésor

Le projet de loi sur le régime de pensions de la fonction publique-Le surplus dans le fonds-Amendements possibles en cas de décision judiciaire en faveur de la propriété conjointe

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au sénateur Kirby en sa qualité de président du comité des banques et du commerce. J'aimerais poursuivre la discussion amorcée hier sur la situation et, plus particulièrement, la propriété du surplus de 30 milliards de dollars.

Le président a dit très clairement hier que, selon l'avis juridique reçu, le projet de loi n'aura aucun impact sur la propriété du surplus. C'est effectivement le cas. Cependant, le projet de loi décrit une formule d'utilisation du surplus, comme si l'on tenait pour acquis qu'il appartient déjà au gouvernement. Il ne laisse aucune place à une décision des tribunaux qui partagerait la propriété entre les syndicats et le gouvernement. Il présume que le surplus appartient entièrement au gouvernement.

Supposons que les tribunaux tranchent en faveur d'une propriété conjointe du surplus, la formule de répartition ou de passage graduel au nouveau mode de gestion s'appliquera-t-elle ou le projet de loi devra-t-il être modifié?

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, dans le fonds, c'est là une question de droit et, je le répète, je suis très fier de ne pas être juriste. Hier, le sénateur Oliver a posé une variante de cette question, à savoir: le fait que le projet de loi prévoit une formule pour l'application de l'excédent, partant du principe que celui-ci appartient au gouvernement fédéral, crée-t-il un droit à l'excédent? Telle est en substance la question de l'honorable sénateur. Si j'en juge par ce que m'a dit le conseiller juridique du gouvernement, la réponse est non.

Je ne connais pas la réponse à la question du sénateur Lynch-Staunton, à savoir: si les tribunaux décidaient un jour que l'excédent n'appartient pas, en fait, au gouvernement, les mécanismes prévus dans le projet de loi quant à l'utilisation de l'excédent s'en trouveraient-ils modifiés? Je présume que oui, mais je ne le sais pas. Si les tribunaux jugeaient que l'hypothèse sous-jacente est fausse, je suppose que les mesures que prévoit le projet de loi si les hypothèses sont valables ne sont plus valables.

(1530)

Franchement, c'est une question de droit dont je ne connais pas la réponse. Je soupçonne que personne ne peut y répondre catégoriquement, car tout dépend du jugement. Certes, les dispositions régissant l'utilisation de l'excédent dans le cas où celui-ci appartiendrait au gouvernement devraient probablement être modifiées si les tribunaux décidaient que l'excédent ne lui appartient pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, nous pourrons en juger lorsque le temps sera venu d'en débattre. Toutefois, j'ai pour le moment besoin d'éclaircissements. Voici ce que M. Hornby, un juriste du gouvernement, je crois, a dit devant votre comité en réponse à des questions concernant deux affaires dont nous avons parlé hier:

Contrairement au projet de loi, ils ne portent pas sur l'utilisation de l'excédent.

Par conséquent, cela veut dire que le gouvernement estime, en fait, que ce projet de loi réglera la question de l'excédent, ou il maintiendra sa prétention à l'excédent.

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, je dois soulever une objection. Je ne suis pas certain que l'on puisse débattre le principe du projet de loi à ce stade de l'étude.

Certes, le projet de loi traite de la question de la «disposition» du surplus en ce sens que s'il appartient au gouvernement, un plan non équivoque est proposé quant à la disposition du surplus. Je ne pense pas que le fait de s'occuper de la question de la disposition du surplus enlève à quiconque le droit de contester que le gouvernement a droit ou non à ce surplus. C'est une toute autre question. La question de la disposition concerne un processus par lequel on dispose de quelque chose qui nous appartient.

La question de savoir si le surplus appartient ou non au gouvernement, c'est-à-dire la question que le sénateur Oliver a posée à juste titre hier, est une question qui sera tranchée par les tribunaux. Ma position et la citation que le chef de l'opposition a lue concordent à cent pour cent.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, l'interprétation doit être claire, c'est-à-dire que le gouvernement, dans le projet de loi, confirme en fait que le surplus lui appartient; du reste, le projet de loi renferme déjà trois articles prévoyant comment le surplus sera graduellement accumulé ou éliminé au cours d'un certain nombre d'années.

Laissez-moi continuer avec l'exposé de M. Hornby. À la même occasion, il a dit:

La question de l'amortissement ne se pose plus une fois qu'on a disposé du surplus, ce que fera le projet de loi.

On ne peut pas disposer du surplus tant que la question de la propriété n'est pas réglée. On ne peut pas disposer de quelque chose qui ne nous appartient pas. On n'est pas censé le faire, en tout cas.

M. Hornby continue en ces termes:

Cela ouvre la porte à la contestation de la disposition du surplus dans le projet de loi...

On ne peut donc que conclure que, si on conteste la loi, c'est parce que la clause de disposition est rédigée de telle façon par le gouvernement qu'elle confirme que le surplus appartient à ce dernier. En revanche, étant donné que la question de la propriété n'est toujours pas réglée, voire qu'on laisse aux tribunaux le soin de la trancher, comment peut-on demander au Parlement de confirmer une formule quand on sait que cette dernière pourrait ne pas s'appliquer si la propriété du surplus devient conjointe ou que le surplus n'appartienne qu'en partie au gouvernement?

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, si l'on s'en remettait à la logique du sénateur Lynch-Staunton, le Sénat et l'autre endroit seraient dans l'impossibilité d'adopter tout un éventail de lois. Des lois de toutes sortes sont contestées devant les tribunaux, qui doivent déterminer si elles sont ou non constitutionnelles. Nous ne sommes pas ici pour régler la question de la propriété. Cette question sera tranchée par les tribunaux.

Le projet de loi prévoit ce qui va arriver au surplus s'il appartient au gouvernement. Le Sénat accepte habituellement ce genre de proposition et constate ensuite, par exemple, qu'une loi est anticonstitutionnelle et la conséquence, c'est que nous sommes obligés de revenir à la chambre pour la modifier. Nous ne cherchons pas à préjuger de la décision qui sera rendue par les tribunaux au sujet des hypothèses qui sous-tendent quelque loi que ce soit.

Par conséquent, en tenant pour acquis que l'hypothèse du gouvernement est exacte, je n'éprouve pas de difficulté à accepter un point de vue voulant que ce soit là la solution à adopter au sujet du surplus et que la formule prévue soit conforme à la pratique de l'Institut canadien des comptables agréés, de l'Institut canadien des actuaires et du vérificateur général. L'hypothèse sous-jacente concernant leur droit ou non au surplus sera contestée devant les tribunaux.

Cependant, la contestation de cet aspect devant les tribunaux ne nous empêche pas de nous pencher sur ce qu'il adviendra si jamais le gouvernement a gain de cause. Sinon, il y aura tout un éventail de lois sur lesquelles nous ne pourrons nous pencher étant donné que nous ne savons pas si elles sont ou non constitutionnelles.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je tiens à apporter des éclaircissements à ce sujet car, comme vous le savez, le comité a entendu beaucoup de témoignages concernant la propriété. Le sénateur a dit que nous ne pourrions adopter quelque projet de loi que ce soit. La situation diffère légèrement en l'instance, car deux affaires intitulées: Krause sont déjà devant les tribunaux, comme l'a souligné dans son témoignage M. Hornby. On y conteste le droit d'amortir le surplus.

Par ce projet de loi, le gouvernement essaie de disposer du surplus, qui ne pourra être amorti de sorte que, comme disent les juristes, la cause devient sans objet. Il n'a pas agi autrement dans l'affaire des accords relatifs à l'aéroport Pearson. Il y a contestation au sujet de l'utilisation du surplus et non de sa propriété. La différence est de taille. Par le projet de loi, le gouvernement dispose du surplus, si bien que la question de son amortissement ne se pose plus, et le droit de recourir aux tribunaux disparaît. C'est pourquoi les sénateurs qui siègent de ce côté-ci ont toujours vu bien des difficultés dans ce qu'on fait à propos de ces 30 milliards de dollars.

Je voudrais savoir ce qu'en pense le président du comité, car M. Hornby a dit bien clairement que le projet de loi privera ces deux recours aux tribunaux de leur objet.

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, je me ferai un plaisir de donner mon avis parce que j'adore discuter avec les députés d'en face. Il me semble cependant étrange d'engager le débat sur le projet de loi C-78 pendant la période des questions. Selon moi, Son Honneur devrait réfléchir à cet aspect, à un moment donné.

Je répondrai en signalant deux points. Tout d'abord, les procédures qui ont été entamées visent à contester les pratiques comptables du gouvernement en ce qui concerne les régimes de pension. Elles ne portent pas sur le surplus comme tel, comme vous l'avez dit. Le projet de loi C-78 n'empêche pas les demandeurs dans ces deux causes de maintenir leurs poursuites devant les tribunaux.

L'honorable sénateur a fait allusion aux témoignages qui nous ont été présentés et au fait que les opinions divergeaient quant à savoir si le projet de loi rendait ces deux causes hypothétiques. Je ne me prononcerai pas sur l'aspect juridique de cette question, car on doute que le projet de loi rende les causes hypothétiques. Cela n'empêche certainement pas les demandeurs de poursuivre ces causes.

L'immigration

Les immigrants illégaux-La demande de fonds fédéraux par la Colombie-Britannique-La position du gouvernement

L'honorable Pat Carney: Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Immigration Canada prévoit donner de l'ampleur au programme de détention à la Base des Forces canadiennes Esquimalt, une agréable banlieue-jardin de Victoria, pour le prochain débarquement d'immigrants illégaux venant de Chine, qui sont attendus aujourd'hui. Les médias nous apprennent que le comité d'accueil d'Immigration Canada a distribué à ces immigrants illégaux des films, des Frisbee, des ballons de football, des plats de restaurants chinois quatre étoiles et des jeux chinois ainsi que des vêtements et leur a dispensé des soins médicaux, à un coût s'élevant jusqu'ici à 1,2 million de dollars, sans compter les frais de justice qui mettent à sec la caisse de l'aide juridique de la province.

Les gouvernements fédéral et provincial se rencontrent aujourd'hui à Victoria pour discuter de la demande de fonds fédéraux visant à indemniser la province des dépenses évaluées à 2 millions de dollars par mois qu'elle doit faire pour s'occuper de ces immigrants, en leur fournissant notamment de l'aide sociale, de l'aide juridique et une garde de 24 heures par jour pour les adolescents qui sont arrivés à bord de ces bateaux. La province pense que la facture pourrait s'élever à 25 millions de dollars.

(1540)

Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire quelle est la position du gouvernement fédéral concernant la demande de fonds que lui a faite la Colombie-Britannique?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les fonctionnaires fédéraux et ceux de la province suivent la situation et s'en entretiennent. Comme le sénateur Carney l'a signalé, un autre bateau a été repéré au large de la côte ouest du Canada. Il est certain que cette affaire doit faire l'objet d'un examen de la part des autorité canadiennes, de celles de la Colombie-Britannique et, en fait, des représentants de la Chine. On me dit que des discussions sont en cours en ce moment même.

En ce qui concerne les soi-disant largesses dont le sénateur Carney a parlé, je ne sais si les honorables sénateurs pensent qu'elles sont appropriées ou non. Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, en vertu de notre législation sur l'immigration, ces personnes ont le droit de demander le statut de réfugié quand elles débarquent sur notre sol. La façon dont elles sont traitées dépend des personnes et des organismes qui les accueillent. Il est tout à fait approprié d'étudier la situation plus avant.

Elle inquiète les Canadiens d'un océan à l'autre. J'espère qu'une solution va être trouvée très bientôt.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, le chef de mon parti, le très honorable Joe Clark, a écrit à la ministre de l'Immigration l'exhortant à resserrer les règlements régissant ce genre de situation. Il suggère, entre autres, que la Loi sur l'immigration soit modifiée de façon à permettre aux autorités canadiennes de refouler les navires clandestins avant qu'ils ne touchent terre, à condition qu'ils soient en état de naviguer. Cette position, présentée par le Parti conservateur en 1987, avait à l'époque été bloquée par le Parti libéral.

Il est important de souligner que de nombreuses rumeurs circulent en Colombie-Britannique selon lesquelles plusieurs autres bateaux ont atteint les côtes de la Colombie-Britannique, mais que le gouvernement libéral n'a réagi qu'après l'arrivée des trois ou quatre derniers.

Le ministre peut-il nous faire part de ce qu'il sait, j'en suis sûre, au sujet du nombre de bateaux soupçonnés de transporter des immigrants illégaux qui ont été repérés au large de la Colombie-Britannique?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je n'ai pas de renseignements autres que ceux qu'a mentionnés le sénateur Carney. Son lieu de résidence lui permet de repérer les bateaux plus rapidement qu'une personne comme moi, qui habite sur la côte est. Je sais que le problème est sérieux. Autant que je sache, les autorités de l'immigration n'ont pas informé mes collègues de l'arrivée d'autres bateaux, outre les trois premiers. Nous avons certes connu par le passé des situations où des réfugiés ont débarqué sur les côtes de la Nouvelle-Écosse.

Plusieurs ministères fédéraux travaillent de concert afin d'intervenir si d'autres bateaux arrivaient.

De toute évidence, les activités liées au trafic d'immigrants illégaux ont augmenté ces dernières années, non seulement au Canada, mais également ailleurs dans le monde. Il s'agit d'un problème international qui nécessite des solutions au niveau international. Le trafic de personnes est une source de grande préoccupation. Il constitue une violation des lois canadiennes et met en danger des vies humaines. Nous devons trouver une solution à long terme à l'utilisation abusive de ce système.

La justice

Les Poursuites contre les passeurs d'immigrants illégaux

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'aimerais savoir si le leader du gouvernement au Sénat est au courant d'un article qui a paru dans le Globe and Mail d'hier. On y dit ce qui suit au sujet des immigrants:

La plupart ont dit aux autorités qu'ils ont versé à des passeurs un acompte variant entre 5 000 $ et 6 000 $US pour prendre le bateau en partance pour l'Amérique du Nord et qu'ils ont dû s'engager à acquitter une dette supplémentaire de 20 000 $ à 30 000 $ en travaillant pour eux une fois arrivés au Canada.

Quand les Canadiens peuvent-ils espérer que ces passeurs seront poursuivis en justice? En outre, s'ils sont reconnus coupables d'avoir fait entrer illégalement des personnes au Canada, les obligera-t-on à purger une peine dans une prison canadienne ou dans une prison chinoise?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Comme je l'ai dit, honorables sénateurs, des discussions sont en cours entre les autorités chinoises et les autorités canadiennes. Les autorités chinoises ont déclaré que ces prétendus réfugiés devraient être renvoyés en Chine.

Tous les Canadiens sont préoccupés par ce problème, qu'il s'agisse des Britannico-Colombiens, des Néo-Écossais ou des Terre-Neuviens.

Le sénateur Carney: Ce sont les Britannico-Colombiens qui écopent.

Le sénateur Graham: À l'heure actuelle, plus de la moitié des demandeurs du statut de réfugié venant de Chine ont renoncé à leurs demandes. Ils sont donc nombreux à essayer d'entrer clandestinement aux États-Unis depuis le Canada, ce qui nuit à nos relations avec les États-Unis comme avec la Chine. Les honorables sénateurs ne sont pas sans savoir que la République populaire de Chine constitue actuellement la principale source de provenance de demandeurs du statut de réfugié au Canada et d'immigrants sans documents valides aux aéroports canadiens.

L'arrivée intermittente de nombreux Chinois risque de se poursuivre tant que la remise en liberté immédiate aux aéroports canadiens offrira à ces personnes le double avantage de pouvoir accéder au système de réfugiés du Canada et à la frontière américaine. Je prends très au sérieux les préoccupations exprimées par les sénateurs Carney et Oliver.

Quant à l'acompte et aux paiements exigés ultérieurement, je crois que le second type de paiement pose un problème plus sérieux, compte tenu de la façon dont ces personnes seront traitées et exploitées par le crime organisé.

Les affaires étrangères

Le conflit au Timor oriental-La force de maintien de la paix internationale proposée-L'assentiment de l'Indonésie

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

On a rapporté aujourd'hui que le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, a lancé une initiative canadienne en faveur de l'envoi d'une force internationale au Timor oriental, sous les auspices des Nations Unies et avec la coopération de l'Indonésie. Je félicite M. Axworthy de l'initiative qu'il a prise en vue de mettre un terme au terrible carnage qui sévit au Timor oriental.

Avons-nous l'assurance que l'Indonésie collaborera? Quand la force internationale sera-t-elle opérationnelle?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous ne savons pas encore si l'Indonésie acceptera de coopérer. Le ministre des Affaires étrangères a effectivement organisé une rencontre de ministres des Affaires étrangères, à laquelle 18 à 20 autres pays ont participé. Je crois savoir que cette rencontre a eu lieu en marge du sommet de l'APEC, en Nouvelle-Zélande.

Je crois que, outre les États-Unis, le Canada et la Russie, quelque 16 ou 17 autres pays y seront représentés.

L'envoyé des Nations Unies et les membres de la délégation du Conseil de sécurité se sont réunis hier à Jakarta, et je crois qu'ils doivent se rendre demain au Timor oriental. Ils reviendront ensuite au siège des Nations Unies, à New York, pour rendre compte de la situation au Conseil de sécurité. Dans l'ensemble, on espère que le Conseil de sécurité tiendra une réunion afin d'étudier les recommandations que présenteront les représentants de l'ONU qui sont allés en Indonésie et au Timor oriental.

(1550)

Le problème s'est compliqué du fait qu'il y a environ 100 000 personnes déplacées au Timor oriental et que 70 000 personnes se sont rendues au Timor occidental. Nous aurions besoin de la coopération du gouvernement de l'Indonésie et du Conseil de sécurité de l'ONU. Le ministre Axworthy presse le gouvernement de l'Indonésie de prendre la situation en main au Timor oriental.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avons tout un problème. J'ai encore sept noms d'inscrits sur ma liste, et il ne reste plus que dix minutes à la période des questions. Je vais donner la parole à ceux qui sont inscrits sur ma liste, mais je leur demanderais de poser des questions succinctes et j'inviterais aussi le ministre à donner des réponses brèves.

[Français]

Les Transports et les communications

Les discussions entre Air Canada et les lignes aériennes Canadien-La révision de la dimension politique par le comité sénatorial-La position du gouvernement

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Cette question d'un intérêt absolument remarquable au Québec n'est pas discutée à l'intérieur des institutions politiques.

La proposition de la compagnie Onex de prendre le contrôle et de fusionner Air Canada et Canadien fait les manchettes négativement partout au Québec. Elle implique la survie d'une grande institution établie à Montréal représentant près de 7 000 employés.

Le ministre jugerait-il à propos de référer cette question au comité des transports pour que nous puissions savoir exactement de quoi il s'agit et faire des recommandations avant qu'une décision finale ne soit prise? Ce serait un désastre.

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je répondrai d'abord que tous les sénateurs et, en particulier, les membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications peuvent entreprendre l'étude de n'importe quel sujet, y compris la proposition d'Onex. Je ne veux pas parler au nom de la présidente du comité des transports et des communications ou de ses membres, mais tout sénateur peut certainement, indépendamment du travail que le comité peut décider d'entreprendre, faire une interpellation à ce sujet au Sénat .

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. J'aimerais que le leader du gouvernement au Sénat lise la lettre de Clifford Lincoln, un membre en vue du caucus libéral du Québec. Je suis plutôt surpris que le caucus du Québec n'ait pas encore jugé opportun de se réunir pour discuter de cette question importante pour l'économie du Québec. Le leader du gouvernement pourrait-il prendre personnellement l'initiative de demander à la présidente du comité des transports et des communications ou aux membres de ce comité d'étudier cette question?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne peux demander rien de tel à un comité. Pour donner instruction à un comité d'entreprendre une étude donnée, il faut un ordre du Sénat. Toutefois, le sénateur Prud'homme ou n'importe quel autre honorable sénateur pourrait en faire la suggestion au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Le sénateur Prud'homme: Je ne suis membre d'aucun comité.

Le sénateur Graham: Je suis sûr qu'il y a ici des membres du comité. Le sénateur Poulin préside actuellement le comité, et le sénateur Forrestall en est le vice-président. Voilà deux membres éminents du comité qui ont entendu les observations que vous avez faites. Je ne m'opposerais pas à ce qu'une telle étude soit entreprise; je n'en ai d'ailleurs pas le pouvoir.

Les transports

La proposition d'achat d'Air Canada présentée par le secteur privé-Le dépôt du décret du conseil autorisant des discussions

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser au sujet d'une affaire très importante. Je rappelle au ministre que le gouvernement a invoqué l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada pour prendre un décret qui suspend l'application des dispositions sur la concurrence pendant 90 jours pour permettre aux parties en cause de négocier entre elles.

Comme nous l'avons dit l'autre jour, le paragraphe 47(4) - cela intéressera le sénateur Prud'homme - prévoit que le ministre, c'est-à-dire le ministre des Transports, «fait déposer le décret devant chaque Chambre du Parlement dans les sept premiers jours de séance suivant sa prise».

Nous avons siégé mardi et mercredi et c'est aujourd'hui jeudi. Cela fait trois jours, et nous siégeons demain. Cela fait quatre. Le leader du gouvernement au Sénat s'engagerait-il à déposer le décret demain ou lundi au plus tard? Je renvoie également les sénateurs au paragraphe 47(5), qui dit ceci:

Le décret est renvoyé pour examen au comité permanent désigné à cette fin par le Parlement.

Honorables sénateurs, une loi exige le dépôt du décret, mais le ministre ne convient-il pas que nous pourrions accélérer les choses en saisissant rapidement le Sénat du décret pour qu'il soit renvoyé au comité permanent des transports et des communications?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement a l'intention de respecter ses obligations aux termes de la Loi sur les transports au Canada et de déposer le décret devant les deux chambres du Parlement dans le délai de sept jours qui est prévu.

Le sénateur Kinsella: Le ministre déposera-t-il le décret lundi prochain?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'essaierai de communiquer avec le ministre des Transports. Je sais qu'il a l'intention de déposer le document dans le délai prévu. Je ne sais pas précisément quand il compte le faire, mais je suis persuadé qu'il le fera en temps opportun.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, qui donc a la responsabilité de déposer ce rapport au Sénat? Le ministre des Transports n'est pas membre de notre chambre.

Le sénateur Graham: Le leader du gouvernement au Sénat serait alors responsable de déposer le document au Sénat.

Le sénateur Kinsella: Vous chargerez-vous de le déposer?

Le sénateur Graham: Je verrai à ce qu'il soit déposé le plus tôt possible.

La Défense nationale

Les conséquences possibles des compressions budgétaires sur l'avenir des Snowbirds-La position du Gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, les journaux ont rapporté bon nombre de rumeurs et j'aimerais que le leader du gouvernement au Sénat nous dise que ces rumeurs ne sont pas fondées. Il y a très peu de symboles qui unifient le Canada et démontrent notre savoir faire et notre capacité de travailler en équipe. Les Snowbirds sont un excellent exemple de tout cela. Ils ont d'ailleurs une réputation à l'échelle internationale.

Le leader du gouvernement peut-il nous assurer qu'on ne prévoit pas annuler le programme des Snowbirds?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais rassurer madame la sénateur et lui affirmer que le gouvernement n'a nullement l'intention d'annuler ou de démanteler l'équipe des Snowbirds. Les responsables du ministère de la Défense nationale devront bien sûr revoir les divers budgets et services de leur ministère. C'est la pratique courante.

Le fait que les Snowbirds soient considérés comme des héros et des symboles importants de la vie des Canadiens, non seulement à l'intérieur de nos frontières mais ailleurs dans le monde, frappe l'imagination de tous les Canadiens. D'ailleurs, on a demandé hier au premier ministre de faire des commentaires à leur sujet. Il a brièvement indiqué qu'il s'agissait d'une proposition que les fonctionnaires du ministère de la Défense nationale ont présentée comme monnaie d'échange. C'est ainsi que j'interprète la réponse du premier ministre.

À ma connaissance, personne au gouvernement ni au Cabinet ne songe à éliminer un symbole aussi fort, aussi puissant du Canada et de l'excellence de ses forces armées.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (Son Honneur le Président suppléant): Honorables sénateurs, la période réservée aux questions est maintenant écoulée. Deux autres sénateurs voudraient poser des questions. La permission de prolonger la période des questions est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous autorisons ces deux sénateurs à poser leurs questions. Il s'agit bien sûr du sénateur Andreychuk et du sénateur Forrestall.

Son Honneur le Président suppléant: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, c'est une question supplémentaire que je pose. Je suis parfaitement au courant de la discrétion ministérielle qui entoure ces dossiers, mais compte tenu des compressions qu'a subies le ministère, est-ce que le gouvernement verra à ce qu'il y ait des fonds et un soutien suffisants pour les Snowbirds, comme le prévoit votre mandat, je pense?

Le sénateur Graham: Ce n'est pas dans le cadre de notre mandat, honorables sénateurs, mais nous attendrons avec un vif intérêt les recommandations du ministre de la Défense nationale et nous verrons comment ces recommandations seront accueillies par le ministre des Finances, la présidente du Conseil du Trésor et d'autres responsables qui s'occupent de ces dépenses.

Les transports

La possibilité d'une conférence des ministres des Transports sur la sécurité routière-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le comité spécial de notre chambre chargé de la sécurité des transports est sur le point de terminer ses travaux sur les transports aériens et maritimes, et s'attaquera très bientôt à la sécurité routière. À cet égard, le leader du gouvernement au Sénat n'a peut-être pas l'impression d'avoir une responsabilité, mais les sénateurs le tiennent responsable de toutes les questions qui intéressent le gouvernement. Si le gouvernement fait bien les choses, c'est à lui que reviennent les honneurs; sinon, c'est lui qui sera blâmé.

Le leader du gouvernement peut-il nous dire si le gouvernement envisage, dans le cadre d'une conférence des ministres des Transports de tout le pays, des initiatives spéciales en vue d'éviter les catastrophes routières au Canada? Notre comité s'inquiète grandement de ce qui semble être une multiplication des accidents graves comme celui qui s'est produit récemment sur l'autoroute 401. Le ministre est peut-être aussi au courant des difficultés que pose la route 101 dans ma province, étant donné les catastrophes qui s'y produisent. Envisage-t-on de prendre des mesures dans un avenir très prochain?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je peux assurer à mon collègue qu'il n'y a pas meilleur défenseur de ce dossier que le ministre des Transports lui-même, l'honorable David Collenette, qui a des projets spéciaux pour l'amélioration du réseau routier dans tout le pays. C'est une priorité pour lui. Il a fait valoir de solides arguments en faveur d'un meilleur réseau d'autoroutes et je suis convaincu que nous entendrons parler de cela dans un avenir assez rapproché.

L'environnement

Cap-Breton, Nouvelle-Écosse-Les étangs bitumineux de la Sydney Steel Corporation-L'échéancier du nettoyage

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le plus grand site de déchets toxiques en Amérique du Nord, les ignobles étangs bitumineux de Sydney au Cap-Breton en Nouvelle-Écosse.

Comme la majorité des Canadiens, nous connaissons l'existence de ces étangs bitumineux qui, selon le Sierra Club du Canada, renferment plus de 700 000 tonnes de boues toxiques générées par la Sydney Steel Corporation.

Je demande au ministre ce que fait le gouvernement pour nettoyer ce site qui menace la santé des femmes, des enfants et des résidents du Cap-Breton. Quelles sommes ont été engagées en vue de la décontamination des lieux? Quand les résidents de la région de Sydney, qui attendent depuis plus d'une décennie, auront-ils l'assurance que ce problème est en voie de se régler?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Oliver pour sa question. Le reste du pays oublie trop souvent ce problème.

J'ai été le premier employé sur le site de la Société de développement du Cap-Breton, la Devco, dans un bâtiment temporaire, qui se trouvait à une distance des étangs à peu près égale à la longueur de cette enceinte. Cette situation a duré un an ou deux, alors je suis parfaitement au courant de la situation.

J'ai visité les gens et rencontré le groupe mixte d'intervention, l'organisme qui est le mandataire accepté par les trois paliers de gouvernement, soit la municipalité régionale du Cap-Breton, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Nous avons tenu plusieurs réunions.

L'an dernier, nous avons reçu un protocole d'entente du groupe d'action mixte. Ce protocole a par la suite été signé par des représentants du gouvernement provincial, alors dirigé par Russell MacLellan, par les ministres responsables et par le ministre fédéral de l'Environnement de l'époque, l'honorable Christine Stewart. Madame le ministre est revenue du Japon une fin de semaine spécialement pour la séance de signature et le ministre fédéral de la Santé, Allan Rock, est venu de Regina pour signer le protocole. Ce document annonçait les étapes suivantes, qui consistent, dans un premier temps, à dégager des fonds fédéraux et provinciaux.

Plus tôt cette année, nous avons annoncé que 64 millions de dollars, provenant à 70 p. 100 du gouvernement fédéral et à 30 p. 100 du gouvernement provincial, avaient été réservés pour le nettoyage de ce que l'on estime être la pire catastrophe environnementale à survenir en Amérique du Nord.

Je remercie l'honorable sénateur d'avoir porté ce dossier à notre attention.

Le sénateur Oliver: Quand les travaux débuteront-ils?

Le sénateur Graham: Personne n'a encore déterminé quelle serait la technique parfaite pour remédier à la situation. Je peux garantir à l'honorable sénateur que le groupe d'action mixte travaille d'arrache-pied chaque jour et dans le cadre du processus le plus démocratique qui soit. Ce groupe se réunit régulièrement, chaque semaine, et consulte des représentants des gouvernements fédéral et provincial. Le gouvernement fédéral a envoyé des fonctionnaires de haut rang des ministères de l'Environnement et de la Santé pour surveiller la situation et participer aux discussions sur une base régulière. Deux de ces fonctionnaires sont d'ailleurs membres du conseil d'administration du groupe d'action mixte.


Projet de loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public

Présentation d'une pétition

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de pétitions:

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter au Sénat une pétition provenant de ma province. Elle porte 34 signatures et s'accompagne de 99 lettres signées par des habitants de Terre-Neuve et du Labrador. Les pétitionnaires exhortent les sénateurs à amender le projet de loi C-78 pour faire en sorte que des négociations concernant les pensions débutent sur-le-champ ou, sans cela, à envisager de rejeter le projet de loi C-78.

(1610)


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public

Troisième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Sibbeston: Que le projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence, soit lu pour la troisième fois.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, cela fait des années qu'on débat de la question de savoir à qui appartient l'excédent des régimes de pensions du secteur public. On a avancé récemment le principe que, en l'absence d'une preuve évidente du contraire, les cotisations d'un employé à un régime de retraite font partie de l'ensemble général des avantages sociaux dont l'employeur ne peut tout simplement pas s'approprier l'excédent. Pas plus tard que l'an dernier, le Parlement a décrété que, si un régime ne précise pas à qui appartient le surplus, les employeurs ne peuvent pas toucher au surplus qui se trouve dans le régime de l'entreprise sans l'approbation des membres de celui-ci.

Pourquoi le gouvernement ne respecte-t-il pas lui-même la Loi sur les normes des prestations de pension? Je comprendrais que le gouvernement s'approprie l'excédent des régimes de pensions du secteur public s'il avait accordé l'excédent des régimes de pensions du secteur privé aux employeurs, quoique je ne l'approuverais pas de le faire. Je comprendrais son raisonnement si les gens que le gouvernement emploie directement étaient traités de la même manière que ceux qu'il emploie indirectement dans des sociétés d'État comme la SCHL. Comment peut-on justifier qu'il y ait une loi pour le secteur privé et les sociétés d'État et une autre pour le gouvernement?

Le gouvernement dit que sa situation est différente et qu'il a en quelque sorte légalement droit à l'excédent des régimes des forces armées, de la GRC et de la fonction publique. Il dit avoir maintenant droit à l'excédent parce qu'il a comblé les déficits par le passé.

Honorables sénateurs, les employés du secteur privé combleraient également les déficits, particulièrement lorsque ces déficits proviennent de décisions relatives à l'indemnisation. Si une compagnie décide d'améliorer son régime de pensions, puis qu'elle applique ces améliorations aux années de service qui ont déjà été accumulées, le régime de pensions serait alors en déficit et elle devrait le combler. Elle ne pourrait pas par la suite aller en cour pour dire que le surplus lui appartient parce qu'elle a eu un déficit à combler lorsqu'elle a amélioré le régime.

Le gouvernement nous dit que la situation est unique parce qu'il assume seul tous les risques. Entendez-vous souvent parler d'un régime de pension du secteur privé qui ne remplit pas ses engagements? Aujourd'hui, il y a trop de mesures de protection prévues dans le système, de meilleures mesures de protection, en fait, que celles qui ont été établies pour ce régime. Le niveau de risque est trop faible pour constituer un facteur dans ce débat.

Honorables sénateurs, le gouvernement nous dit qu'il a, par le passé, déposé 13 milliards de dollars dans la caisse du régime afin de combler des déficits, ce qui constituerait une preuve du fait qu'il a assumé seul tous les risques. Il aurait donc le droit légal de réclamer les 30 milliards de dollars qui se trouvent maintenant dans la caisse, en plus des 11 milliards de dollars qu'il a déjà prélevés.

Examinons de plus près la prétention du gouvernement. Des 13 milliards de dollars de déficits accumulés par le passé, 8 milliards sont directement attribuables à la décision du gouvernement d'appliquer l'indexation. Une décision réfléchie de la part de l'employeur de modifier le régime global de pension ne ressemble en rien à l'acceptation des risques, puisque l'employeur est pleinement conscient qu'il lui faudra verser plus d'argent dans le régime pour pouvoir composer avec l'augmentation des coûts. Le reste du déficit s'explique par le fait que, avant 1967, on ne créditait de l'intérêt au compte qu'au taux de 4 p. 100, ce qui était considérablement inférieur au rendement des obligations d'État à long terme.

Honorables sénateurs, à cet égard, il est bon de rappeler le témoignage de M. John Fitzpatrick. M. Fitzpatrick était associé à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada à la fin de années 1960, lorsque le gouvernement a décidé d'indexer le régime de pension et de modifier la façon dont les intérêts seraient imputés au compte, suivant la recommandation du comité mixte de la Chambre et du Sénat, le comité Bourget-Richard. Il nous a dit:

... les risques supportés et la politique du Conseil du Trésor sont interdépendants. Il est difficile de définir l'un de ces concepts sans vraiment connaître l'autre.
Avant 1967, la politique du Conseil du Trésor sur les taux d'intérêt consistait à appliquer ce qu'on appelait un taux d'intérêt actuariel. Sur le marché, ce taux est jugé fictif, mais il a un certain fondement. Le taux d'intérêt appliqué au compte s'élevait à 1 p. 100 par trimestre ou 4 p. 100 par année.
Dans les faits, appliqué d'année en année, ce taux s'est révélé trop faible et des déficits ont été enregistrés.
Honorables sénateurs, nul doute que le gouvernement savait que sa décision d'utiliser le régime à titre de financement à rabais créerait un déficit. Nous avons un déficit dont la cause est la prise de décisions délibérées sur certaines orientations. Cela ne représente pas la prise en charge du risque.

Le gouvernement n'a pas épongé ces déficits tout seul. Les syndicats de la fonction publique ont dit dans leurs témoignages qu'ils avaient accepté des hausses de prime quand le régime était déficitaire. Leur taux de cotisation a augmenté d'un point afin de permettre au gouvernement d'éponger le déficit causé par l'indexation. Le régime comporte maintenant un surplus; cependant, au lieu de diminuer, leur taux de cotisation augmentera.

Le gouvernement prétend avoir des avis juridiques voulant que le surplus lui appartient. Les syndicats nous disent avoir eux aussi des avis juridiques selon lesquels le surplus appartient aux employés, avis qui se fondent sur les propres documents du gouvernement faisant clairement valoir que le régime de retraite fait partie de la rémunération globale des employés. Si le gouvernement est déjà propriétaire du surplus, pourquoi a-t-il besoin de ce projet de loi pour mettre la main dessus?

Honorables sénateurs, il faut débattre non pas seulement la question de savoir à qui appartient le surplus, mais encore toute la question de la nature du régime. Il y a deux genres de régimes de retraite. D'abord, on compte les régimes de retraite à cotisations déterminées dans lesquels les participants touchent des prestations fondées sur la valeur de leurs fonds accumulés dans leur compte du régime. Ensuite, il y a les régimes à prestations définies où les retraités ont droit à des prestations dont le montant est déterminé en fonction d'une formule tenant compte de leur rémunération et de leurs années de service. Du moins en apparence, il s'agit en l'occurrence du régime de retraite de la fonction publique.

Le gouvernement nous dit que les employés recevront les sommes qui leur ont été promises et que l'excédent ne leur appartient pas. Cependant, si on regarde de plus près, on voit qu'il ne s'agit pas d'un vrai régime à prestations déterminées au sens traditionnel du terme. Il serait plus juste de dire qu'il s'agit d'un régime à prestations semi-déterminées, où l'employeur contrôle à la fois les prestations et le taux de cotisation.

Il y a 16 ans, dans le cadre du programme des 6 et 5 p. 100, le gouvernement a réduit le taux d'augmentation des prestations prévu dans la loi pour le régime. Aucun employeur du secteur privé ne peut s'amuser à apporter des changements au régime de pension de l'entreprise en réduisant les prestations des pensionnés, mais le gouvernement l'a fait.

En fait, le 6 décembre 1982, en défendant le projet de loi sur le programme des 6 et 5 p. 100, Herb Gray, alors président du Conseil du Trésor, a dit ceci, comme on peut le lire à la page 21 300 du hansard de la Chambre des communes:

Par conséquent, il serait plus réaliste de considérer les arrangements relatifs aux pensions comme des dispositions à long terme, bien que souples, entre l'employeur et des générations d'employés, et permettant des modifications des lois applicables en fonction de la conjoncture.

Le sénateur Olson, alors leader du gouvernement au Sénat, a répété à peu près la même chose lorsqu'il a parlé de ce projet de loi environ un mois plus tard.

Revenons maintenant à 1999. La même chose se produit de nouveau. Sharon Hamilton, de la Division des pensions du Conseil du Trésor, a essentiellement dit au comité des banques, le 10 juin dernier que, si le gouvernement se retrouvait dans une situation économique semblable, il pourrait ne pas faire d'exception pour certains programmes gouvernementaux. Cela me dit que les pensions des fonctionnaires, des membres de la GRC et des militaires ne sont pas sûres. Ces gens pourraient recevoir ou ne pas recevoir ce qui leur a été promis. Le gouvernement n'assume absolument aucun risque. L'argument selon lequel l'excédent appartient au gouvernement parce que c'est lui qui assume le risque est sans fondement. Toutefois, les employés sont exposés à un autre risque, soit celui que le gouvernement manque encore une fois à sa parole et ne leur verse pas ce qu'il leur a promis.

(1620)

Nul employeur du secteur privé n'a le droit de dire à ses employés retraités: «Désolé, nous allons réduire vos pensions parce que nous devons calmer nos actionnaires qui menacent de voter en faveur d'une nouvelle équipe de gestion.» L'employeur ne peut toucher à des avantages déjà promis et faire des cotisations une source peu onéreuse de fonds de roulement. Les arguments du gouvernement ne tiennent tout simplement pas la route.

Le surplus s'est accumulé au cours des dernières années parce que les cotisations étaient nettement supérieures aux sommes nécessaires pour garantir la solvabilité du régime. En partant de l'hypothèse qu'il y aurait eu des hausses de traitement de 2 ou 3 p. 100 l'an pendant une période de blocage des salaires de six ans, on aboutit à un énorme surplus.

Environ 40 p. 100 des 30 milliards de dollars sont issus des chèques de paye des fonctionnaires qui croyaient que toutes leurs cotisations étaient versées dans leur régime de pensions. Personne ne leur a jamais dit qu'ils versaient également une taxe spéciale dont Ottawa se servirait ensuite pour contribuer au paiement de l'«Hôtel Shawinigan».

Honorables sénateurs, abstraction faite de la question de savoir à qui appartient le surplus actuel, il y a aussi lieu de déterminer qui serait le titulaire des futurs surplus et qui absorberait les futurs déficits. Je crois comprendre que les employés et le gouvernement étaient disposés à gérer conjointement le régime et à partager entre eux les surplus ou déficits futurs.

Le point de friction est le surplus déjà accumulé. Il est primordial que cette question soit tranchée. Sinon, compte tenu de la latitude que le projet de loi accorde au ministre en ce qui concerne l'établissement des cotisations, il existe un réel danger que ces dernières puissent être fixées de façon à ce que le régime accumule toujours un important surplus dont le gouvernement au pouvoir pourra ultérieurement s'emparer.

Le gouvernement a laissé entendre que les dispositions du projet de loi concernant le retrait du surplus se fondent sur une recommandation du vérificateur général. Ce dernier n'a pas fourni un avis juridique au sujet de l'appartenance du surplus. Il a plutôt donné un avis comptable précisant si les pratiques du gouvernement respectent ou non les normes du bureau de la comptabilité et de la vérification du secteur public. Dans ses observations au sujet des Comptes publics de 1996-1997, il a dit que des changements en matière de comptabilité peuvent être apportés en vertu des dispositions actuelles de la Loi sur la gestion des finances publiques. Pourquoi donc ces dispositions se retrouvent-elles dans le projet de loi? Y auraient-elles été intégrées pour renforcer la position du gouvernement devant les tribunaux dans une cause qui, peu importe ce qu'il en dit publiquement, est loin d'être gagnée d'avance?

Honorables sénateurs, le gouvernement doit traiter ses employés de la même façon qu'il s'attend à ce que les autres employeurs traitent leurs employés. Les dispositions qui permettent au gouvernement de s'approprier le surplus des caisses de retraite devraient être éliminées du projet de loi. Nous devrions donner au gouvernement le temps de se pencher sur cette question et d'agir.

Motion d'amendement

L'honorable Terry Stratton: Par conséquent, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Tkachuk:

Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit lu le 9 mars 2000 ou à un jour peu après lorsque le Sénat siégera.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président suppléant: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président suppléant: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président suppléant: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président suppléant: Convoquez les sénateurs.

Les whips ont convenu que le vote se tiendrait à 17 h 25. Le timbre se fera entendre pendant une heure.

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beau doin, Bolduc, Buchanan, Cochrane, DeWare, Di Nino, Doody, Ghitter, Kel leher, Keon, Kinsella, Law son, LeBreton, Lynch- Staunton, Murray, Nolin, Oliver, Rivest, Roberge, Robertson, Roche, Rossiter, Simard, Stratton, Tka chuk-27

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chali foux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fitzpa trick, Fraser, Furey, Gill, Graham, Hays, Hervieux- Payette, Joyal, Kenny, Kirby, Kolber, Kroft, Lewis, Losier-Cool, Maheu, Maho volich, Mercier, Milne, Pearson, Pépin, Perry, Pou lin, Poy, Robichaud (Saint- Louis-de-Kent), Rompkey, Ruck, Sibbeston, Sparrow, Stewart, Taylor, Watt-46

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Prud'homme-1

Son Honneur le Président: La question à l'étude au Sénat est le projet de loi C-78 à l'étape de la troisième lecture.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'aimerais apporter quelques commentaires. Je fais partie de ceux qui ont critiqué ce projet de loi avant qu'il soit transmis au comité. J'ai depuis eu la chance de comparaître devant le comité, puis de lire le rapport qui a été rédigé.

J'aimerais préciser pour mémoire que, bien que le projet de loi C-78 ne soit pas parfait, les commentaires des membres du comité sur l'affectation de l'excédent, lesquels se trouvent non seulement dans le corps du rapport, mais également dans les questions du sénateur Kirby, m'ont convaincu qu'il est possible que le gouvernement tienne compte des recommandations du comité et répartisse l'excédent apparent d'une façon équitable en fin de compte.

Je me préoccupais également de la création d'un système à deux classes ou de la discrimination possible contre les pensionnés potentiels dont le conjoint est homosexuel. Autrement dit, on ferait une distinction entre ceux qui ont eu des relations sexuelles reconnues par le gouvernement et ceux qui, à ce qu'il semble, n'en ont pas eu. Autrement dit, si le pays ne pouvait constater une relation conjugale, on ne pouvait obtenir une pension.

(1730)

Le comité a recommandé que le gouvernement examine la possibilité d'élargir les prestations aux cas où il existe une situation de dépendance économique, pas seulement aux partenaires dans une union de type conjugal. Cette recommandation aurait pu être renforcée, mais on peut au moins dire que nous nous approchons doucement d'une situation que la plupart des Canadiens semblent avoir peur d'aborder. Depuis l'époque victorienne, il nous est interdit de parler de sexe, mais il semble maintenant que nous ne puissions rien faire sans qu'il en soit question. Je ne veux pas avoir l'air victorien, mais j'aimerais revenir à l'époque où les relations sexuelles n'avaient rien à voir avec la question de savoir si l'on avait droit ou non aux prestations de survivant.

Cela dit, je tiens à informer les honorables sénateurs que j'appuierai le projet de loi à contrecoeur.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à l'honorable sénateur.

Le sénateur Taylor: Certainement.

Le sénateur Tkachuk: Si je me rappelle bien, le sénateur Taylor avait non seulement exprimé une certaine préoccupation à cet égard, mais avait même parlé d'amendements. L'honorable sénateur pourrait peut-être expliquer au Sénat quelles étaient les intentions des amendements qu'il voulait proposer au comité, mais qu'il a fini par renoncer à proposer. Tous les honorables sénateurs présents voudraient sûrement savoir en quoi auraient consisté ces amendements.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, il y a des pays dans le monde qui ont exclu les considérations sexuelles de l'interprétation des prestations de survivant. Je voulais trouver un exemple venant d'un pays du Commonwealth, et les documentalistes en ont trouvé un dans la province de Nouvelle-Galles du Sud. Toutefois, après avoir réfléchi à un amendement qui aurait suivi cet exemple, nous avons constaté qu'il aurait obligé à modifier le projet de loi en onze endroits. Je ne puis imaginer qu'on puisse amener les fonctionnaires à modifier un projet de loi en onze endroits aussi rapidement.

De plus, les lois concernant le mariage et la propriété au Canada présentent le problème additionnel d'une interaction provinciale et fédérale.

Enfin, l'amendement que je n'ai pas proposé posait un problème en ce qui concerne le coût. Certains ont prétendu que, si nous incluions deux s9urs, deux frères, un oncle et un neveu et cetera. dans la définition des relations familiales - «domestic partnership» ainsi que dit la loi australienne - nous serions inondés de gens réclamant des pensions qui, jusqu'ici, ne le faisaient pas. Toutefois, après vérification auprès du gouvernement et des actuaires, j'ai découvert qu'il n'existait pas de pensions non réclamées. Quelqu'un apparaît toujours à un moment donné. Verser une pension à un survivant dans le cadre d'une relation familiale sans aucune connotation sexuelle n'entraînerait pas de coûts supplémentaires, mais c'est une recommandation que je n'étais pas prêt à faire.

Je pense que la loi en Nouvelle-Galles du Sud est très bien, mais qu'elle ne convient pas ici.

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, je voudrais faire un bref commentaire sur la question dont nous sommes saisis. Les représentants militaires ont posé une question intéressante. Ils ont parlé du gouvernement qui prétend qu'il contribue à la caisse de retraite des fonctionnaires au nom des membres et que ses contributions constituant une partie de la rémunération globale des fonctionnaires, elles doivent être prises en considération dans l'évaluation des niveaux de rémunération. Ils ont demandé s'il ne serait pas moralement inexcusable de ne pas utiliser cette partie de l'excédent pour le bénéfice des participants au régime.

Lors de négociations, il arrive souvent que l'employeur offre une certaine augmentation en pourcentage et qu'il laisse entendre que cela peut prendre la forme d'une amélioration du régime de pension, des avantages sociaux ou du salaire. J'ai vu dans beaucoup de négociations des employeurs dire: «Je vais vous le dire franchement, nous vous offrons 8 p. 100 sur deux ans. Prenez-les en pension ou en salaire, cela ne nous dérange pas.»

Il est arrivé une fois que nous investissions la totalité de l'augmentation dans le régime de pensions, parce que cela s'appliquait aux services antérieurs, et donc aux employés qui ne recevaient pas des prestations de retraite aussi élevées qu'ils auraient dû, en plus de s'appliquer aux années suivantes. Si, quelques années plus tard, l'employeur avait dit «En passant, comme nous payons pour telle et telle chose, nous avons décidé de tout reprendre, parce que votre fonds de pension a un surplus», deux choses se seraient produites. Premièrement, nous l'aurions traîné en cour le jour suivant et, deuxièmement, nous aurions probablement cessé de travailler ce même jour pour pouvoir suivre le procès. Il y aurait eu une grève sauvage, parce que les employés n'auraient pas toléré le vol de leur fonds de pension.

Honorables sénateurs, je veux vous lire deux courts extraits de lettres que j'ai reçues. La première provient de la division de Vancouver de l'Association nationale des retraités fédéraux. Cette association compte 4 800 membres dans ma province, la Colombie-Britannique, et 100 000 à l'échelle nationale - des retraités de la fonction publique, des Forces canadiennes et de la GRC. Un paragraphe en particulier résume très bien leurs sentiments:

En décidant unilatéralement de disposer du surplus du fonds de pension, le gouvernement est injuste et déloyal. Il détruit un partenariat conclu entre le gouvernement, les retraités et les employés. Ce surplus a été accumulé grâce aux cotisations des anciens employés et des employés actuels, ainsi qu'aux contributions du gouvernement dans le cadre du régime de rémunération des employés.

C'est très clair.

Au cours des négociations, lorsqu'il a été question du surplus du fonds de pension, les représentants du gouvernement ont dit aux syndicats que les cotisations des employés n'avaient compté que pour 30 p. 100 dans l'accumulation du surplus, je crois. Si c'est vrai, pourquoi le comité n'a-t-il pas fait ce qu'il devait, soit accepter cette position du gouvernement et mettre de côté 30 p. 100 de ce surplus?

J'ai apprécié l'échange des sénateurs Kirby et Lynch-Staunton sur l'équité. Le sénateur Kirby a déclaré que le syndicat avait la possibilité d'aller en cour pour trancher la question et que le comité ne faisait que veiller à ce que la justice prévale, sans essayer de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Je n'ai jamais entendu de telles sottises. Nous recommandons que le gouvernement récupère la totalité du surplus et, de surcroît, nous allons l'autoriser à en disposer à sa guise. Comment peut-il alors affirmer que nous ne faisons pas pencher la balance de la justice? Par cette action, on ne fait pas que faire pencher la balance, on nie toute justice aux intéressés. Si le comité du Sénat procédait à une analyse neutre, juste et impartiale, l'équité exigerait que nous recommandions que le surplus reste dans son état actuel jusqu'à ce que, comme l'a dit de façon si éloquente le sénateur Kirby, la question soit tranchée par les tribunaux.

Laissez les tribunaux en décider. Laissez-leur une chance d'en décider. Les avocats du gouvernement rédigent déjà leur déclaration préliminaire aux tribunaux. Ils diront: «Votre Honneur, pourquoi en sommes-nous là? Les deux Chambres du Parlement, y compris le Sénat, après mûre réflexion, ont conclu que nous avions droit à la totalité du surplus. De surcroît, les parlementaires nous ont autorisés à en disposer.»

En toute déférence, je dirai au sénateur Kirby qu'il n'est pas un président juste et équitable. Il est le guetteur arrière d'un vol de régime de pension.

Il y a une autre chose que nous devrions prendre en considération. Dans une récente décision, la Cour suprême a déclaré que la GRC ne jouissait pas de droits légaux de négociation. La GRC est une organisation paramilitaire. Cette situation impose à cet organisme un lourd fardeau, mais un fardeau plus lourd encore au gouvernement et au Parlement parce que nous avons le devoir et la responsabilité de protéger ses droits.

(1740)

J'ai parlé plus tôt du cas des 1 800 veuves d'agents de la GRC. J'ai bien aimé lire dans le journal aujourd'hui que nous avons un nouveau Gouverneur général. N'est-ce pas merveilleux, nous pouvons en avoir deux pour le prix d'un, c'est-à-dire madame le Gouverneur général et son époux. La chose n'est pas nouvelle. Les 1 800 veuves d'agents de la GRC se trouvaient un peu dans la même situation dans les avant-postes ruraux. Pendant que l'agent faisait son travail à l'extérieur, son épouse, restée à la maison, faisait à manger pour les prisonniers ou administrait les affaires du bureau. D'une façon ou de l'autre, ces 1 800 veuves ont été oubliées et se sont retrouvées sans pension.

Elles ont pourtant eu droit à quelque chose. Le gouvernement et les bureaucrates ne sont pas tout à fait insensibles. Ces derniers ont écrit une lettre aux agents de la GRC dans laquelle ils leur disaient ce qui suit: «Vos conjointes seront choquées d'apprendre qu'elles n'auront droit à aucune pension après votre décès. Il vaudrait mieux leur annoncer la chose immédiatement.» Quel bureaucrate sans coeur a pu écrire une chose semblable? Pourquoi notre comité n'aurait-il pas pu proposer d'établir un fonds d'équité en matière de pension? Puisque le gouvernement n'est pas prêt à faire preuve d'équité et à laisser l'excédent intact, pourquoi n'avons-nous pas proposé de réserver 5 p. 100 ou 10 p. 100, soit 2 à 3 milliards de dollars pour établir un fonds appelé «fonds d'équité en matière de pension»?

Les sénateurs des deux côtés ont reçu, comme moi, des plaintes d'associations de retraités des Forces armées et de la GRC, entre autres, qui dénonçaient l'absence de pension équitable ou même de toute pension. Je ne vois pas ce qu'il y aurait eu de mal à constituer un comité sénatorial composé de personnes équitables, qui connaissent et comprennent la question des pensions, et à mettre de côté un certain montant d'argent. Ces personnes pourraient annoncer l'existence de ce fonds pendant trois ans pour permettre aux gens de présenter des demandes de prestations. Leurs demandes auraient été traitées de façon équitable. Une fois les demandes satisfaites, l'excédent pourrait alors être utilisé de la façon jugée la plus appropriée.

J'ai écouté les échanges qui ont eu lieu aujourd'hui au sujet des immigrants illégaux qui débarquent chez nous, amenés dit-on par des gangs chinois. Quand ils échouent sur nos côtes, on leur offre une assurance médicale, des vêtements, de la nourriture, dont ils se plaignent, des avocats, des soins médicaux. On leur donne tout. Qu'en pensent ces veuves et tous ceux qui vivent dans la pauvreté sans la moindre pension? Ils doivent trouver cela très réconfortant de savoir comment sont traités les étrangers qui débarquent chez nous. Je ne conteste pas les propos du ministre, qui a dit que nous n'avons pas le choix. La Charte des droits exige que nous agissions de la sorte. La Charte des droits ne demande-t-elle pas également que nous prenions soin des Canadiens qui ont passé leur vie au service de leur gouvernement et de leur pays? Si tel n'est pas le cas, pourquoi en est-il ainsi? Qu'a-t-on fait de la compassion et de l'équité dans ce cas? La position du gouvernement et du ministre est qu'il n'y aura pas de négociations. Les représentants du syndicat des employés veulent leur part du fonds de pension. Ils ont l'audace de réclamer un traitement équitable.

En matière d'équité, le ministre est au-dessous de tout. Il y a vraiment quelque chose qui cloche quand on nous demande d'approuver le vol qualifié du surplus de 30 milliards de dollars, même si le porte-parole du gouvernement a dit que la part des employés était de 30 p. 100, soit 9 ou 10 milliards de dollars.

Le comité recommande que leur part soit retirée de la caisse. De la sorte, nous volons deux fois les fonctionnaires. Si nous ne touchions pas à ce montant et s'il était investi correctement, il vaudrait 20 milliards de dollars dans une dizaine d'années. C'est profondément injuste. Il faudrait faire preuve d'un peu plus de justice, mais j'ai le regret de dire que je n'en vois pas le moindre signe aujourd'hui. En toute conscience, je ne saurais appuyer ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Kelleher, le débat est ajourné.)

Privilèges, Règlement et procédure

Le douzième rapport du comité-Motion d'adoption-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure (question de privilège de l'honorable sénateur Murray, c.p.), présenté au Sénat le 16 juin 1999.

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, avant de proposer l'adoption du rapport, je rappelle qu'il fait suite à une question de privilège soulevée par le sénateur Murray au sujet de l'appel du timbre de cinq minutes. Ce délai ne suffit pas aux sénateurs pour se rendre de l'édifice Victoria au Sénat. Le rapport recommande que l'appel dure au moins 20 minutes.

Honorables sénateurs, je propose l'adoption du rapport.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, si la présidente du comité a l'intention d'intervenir, je lui céderai la parole.

Le sénateur Maheu: Honorables sénateurs, j'avais l'intention de rappeler aux sénateurs la recommandation figurant dans le rapport, puisque celui-ci a été déposé auprès du greffier du Sénat en juin.

Le sénateur Murray: Dans ce cas, honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Murray, le débat est ajourné.)

Le onzième rapport du comité-Motion d'adoption-Motion d'amendement-Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyé par l'honorable sénateur Fitzpatrick, tendant à l'adoption du onzième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure (restructuration des comités du Sénat) présenté au Sénat le 2 juin 1999.-(L'honorable sénateur Lawson).

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, je désire parler de la rubrique qui figure à la page 7 du rapport, soit «Membres additionnels aux comités». Je fais expressément référence au passage suivant:

(2.2)a) Que le comité de sélection peut recommander au Sénat que deux membres additionnels soient ajoutés à n'importe quel comité permanent, pourvu que le vote pris à ce sujet par le comité de sélection soit unanime.
L'élément de cette disposition auquel je m'oppose est le terme «unanime». Depuis mon arrivée au Sénat, aucune disposition n'a exigé l'unanimité pour qu'un membre soit ajouté à un comité. J'ignore qui est responsable de cette proposition. Allons-nous demander à l'huissier du bâton noir d'assumer la fonction additionnelle de «huissier du gros bâton»? Qui aura le gros bout du bâton? Est-ce que ce seront des membres du Parti conservateur ou des membres du Parti libéral qui décideront si un sénateur indépendant sera ajouté au comité?

Lorsque je suis arrivé ici, on m'a dit que tous les sénateurs étaient égaux.

Motion d'amendement

L'honorable Edward M. Lawson: Par conséquent, honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Doody:

Qu'on n'adopte pas maintenant le rapport, mais qu'on le modifie en supprimant le projet de paragraphe 85.(2.2)a) et en le remplaçant par ce qui suit:

«(2.2)a) Que le comité de sélection peut recommander au Sénat que deux membres additionnels soient ajoutés à n'importe quel comité permanent.»
(1750)

Son Honneur le Président: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'avais l'intention de prendre la parole sur la motion principale, mais je ferais peut-être mieux de parler de la motion d'amendement.

J'ai de sérieuses réserves à l'égard du rapport du comité. Nous savons comment fonctionne le comité de direction et nous savons combien de sénateurs composent un de nos comités permanents réguliers. Nous devons supposer que lorsque que nous établissons des règles ou des lois, tout ce qui peut être fait sera probablement fait.

Si j'étais le leader du gouvernement, qui bénéficie de la majorité, et si j'étais malin, je serais tenté de dire ceci: «D'accord. Sept sénateurs de notre parti siégeront à ce comité. Des indépendants voudront aussi siéger à ce comité. Qui est le plus fiable parmi les sénateurs qui veulent faire partie du comité? C'est ce sénateur qui fera partie du comité.» Nous serons récompensés de notre magnanimité par la présence d'un sénateur ministériel additionnel. C'est une charmante perspective et, si c'est possible, ce sera fait. Cet aspect du rapport me met très mal à l'aise.

Il y a un autre aspect du rapport qui m'inspire aussi des réserves. C'est un aspect plus difficile à expliquer, mais il est plus fondamental. J'ai énormément de respect pour les sénateurs indépendants qui siègent à cet endroit. Je ne dénigre en rien les sénateurs indépendants actuels. Examinons toutefois notre système. À mon avis, si nous adoptons des dispositions qui permettent aux sénateurs indépendants de pouvoir plus facilement et plus régulièrement devenir membres de nos comités permanents, le fait de siéger comme indépendant deviendra plus intéressant pour un sénateur, que ce soit à son arrivée au Sénat ou lorsqu'il décidera, pour une raison ou une autre, qu'il est préférable de ne pas siéger sous la bannière d'un parti, qu'il s'agisse du parti ministériel ou de celui de l'opposition. Cette hypothèse est tout à fait plausible. On ne peut pas en être sûr, mais il faut envisager la possibilité ou la probabilité que, sur les 105 sénateurs, un plus grand nombre voudront siéger à titre d'indépendants.

Que feraient certains de ces sénateurs indépendants? Je déplore déjà le fait que certains sénateurs ont tendance à se considérer uniquement comme des membres d'un comité particulier. Ils s'intéressent relativement peu au travail de l'ensemble du Sénat ou des autres comités. Leur rôle se limite à faire partie d'un comité. S'il est ainsi de sénateurs qui ont des obligations à titre de membres du caucus du parti ministériel ou de celui de l'opposition, ne peut-on pas penser que cela se vérifiera encore davantage dans le cas de sénateurs indépendants siégeant au sein d'un comité? Ils vont simplement se présenter le jour de la semaine où leur comité siège, une fois par semaine, ou une fois toutes les deux ou trois semaines. En d'autres termes, ils seront les sénateurs de ce comité particulier. De droit, ils seront des sénateurs, mais de fait, ils seront des membres de ce comité, des membres disposant peut-être de plus en plus de pouvoirs.

Il y a un autre aspect à cette question. Songez à ce que cela signifie pour notre régime gouvernemental. Nous avons au Canada ce que l'on appelle un gouvernement responsable, c'est-à-dire un gouvernement qui prend des décisions dont il doit rendre compte au Parlement. Le gouvernement du jour reçoit les félicitations et les blâmes. Nous savons qui féliciter et qui blâmer. Là réside tout le mérite d'un régime de gouvernement responsable. Dans un tel système, il y a deux équipes: d'une part le gouvernement et ses partisans et, de l'autre, ceux qui s'opposent au gouvernement du jour. Généralement, il s'agit d'un régime bipartite. Je dis «généralement», car, à cause des réalités politiques, surtout dans un pays aussi diversifié que le Canada, au fil des ans, les gens ont trouvé de plus en plus difficile de se satisfaire du parti au pouvoir ou du parti d'opposition. Il n'en demeure pas moins que le régime est fondé sur deux équipes. Tout tend essentiellement vers un système bipartite.

Le système peut fonctionner avec des indépendants. Cela ne fait aucun doute. De plus, je n'hésite pas à dire que certains indépendants, tant à la Chambre qu'au Sénat, apportent vraiment une contribution. Toutefois, jusqu'où peut-on aller? Comme je l'ai dit au départ, si nous adoptons cette motion, nous encouragerons encore plus les sénateurs nouveaux et anciens à se déclarer indépendants. Je suis d'avis que cette modification des règles se soldera par un plus grand nombre de sénateurs indépendants. Le statut d'indépendant sera encore plus attrayant. En d'autres termes, nous nous éloignerons de notre traditionnel système constitutionnel de gouvernement parlementaire, où le gouvernement et ceux qui l'appuient sont responsables. Nous nous rapprocherons du système du Congrès américain, où la discipline de parti compte peu ou ne compte pas, où les gens votent selon les campagnes qui ont réussi à les toucher ou à toucher leur portefeuille, et où personne n'est vraiment responsable du fait que le résultat d'un vote est, en quelque sorte, accidentel. Personne n'est responsable, tout le monde vote comme il veut - ou comme le veulent les lobbyistes. On ne peut blâmer personne.

(1800)

Si nous devons nous engager dans cette voie, nous devrions d'abord réfléchir aux conséquences que cela suppose. Je vous invite donc, chers collègues sénateurs, à réfléchir aux incidences du rapport. Je le répète, je n'ai absolument rien à reprocher à nos sénateurs indépendants actuels.

Je n'ai rien contre l'idée qu'il y ait un certain nombre de sénateurs indépendants, mais si on en vient au point où on encourage de plus en plus les sénateurs à devenir indépendants, j'estime que nous nous dirigeons vers l'établissement d'un régime politique à l'américaine et que nous nous éloignons de notre système de gouvernement responsable, un système que nous avons trouvé merveilleusement satisfaisant au fil des ans dans notre pays. Quand on observe nos voisins du Sud, on dénonce et on critique leur système parlementaire.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois vous informer qu'il est maintenant 18 heures. À moins que l'on m'informe qu'on s'est entendu pour ne pas tenir compte de l'heure, je dois quitter le fauteuil.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je pense qu'il y a consentement unanime pour que l'on ne tienne pas compte de l'heure.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs, pour ne pas tenir compte de l'heure?

Le sénateur Prud'homme: Je ne suis pas d'accord.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): L'opposition est d'accord.

Son Honneur le Président: Vous opposez-vous, sénateur Prud'homme?

Le sénateur Prud'homme: Oui.

Son Honneur le Président: Je dois alors quitter le fauteuil. Le Sénat reprendra sa séance à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(2000)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous écoutions l'intervention de l'honorable sénateur Stewart lorsque la séance a été suspendue.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, à 18 heures, j'avais dit presque tout ce que je voulais dire. Je tentais simplement de répondre d'avance à ceux qui voudraient réfuter mes arguments au sujet du danger associé à l'augmentation du nombre de sénateurs indépendants participant régulièrement aux délibérations des comités sénatoriaux.

On pourrait dire que la Chambre des lords du Royaume-Uni a de formidables pairs indépendants qui occupent les banquettes transversales. N'oublions pas que c'est justement pour contenir l'opposition et les membres indépendants de la Chambre des lords que les pouvoirs de la Chambre des lords ont été réduits. La situation était devenue intolérable, du moins de l'avis du gouvernement qui était au pouvoir en 1911. Voilà pourquoi il a adopté la Parliament Act de 1911.

Cette loi a été modifiée en 1949 de façon à permettre à un gouvernement détenant la majorité à la Chambre des communes de faire adopter un projet de loi de finances à la Chambre des communes, de contourner les lords et d'obtenir la sanction royale en moins d'un mois. De même, un projet de loi autre qu'un projet de loi de finances peut contourner une Chambre des lords donnant du fil à retordre au gouvernement et obtenir la sanction royale en moins d'un an.

Il importe de se rappeler que la Chambre des lords a des pouvoirs très différents de ceux du Sénat du Canada. Si nous donnons plus de pouvoirs à ceux qui ne soutiennent habituellement pas le gouvernement, ou nous donnerons au gouvernement en place le pouvoir de nommer de plus en plus de partisans, et le gouvernement est actuellement en mesure d'en nommer huit, ou nous devrons priver le Sénat de certains des pouvoirs que lui confère la Constitution. À la limite, et on sait qu'en politique ce qui peut être fait finit toujours par l'être, nous devrons affronter ces possibilités.

Je voudrais parler brièvement de l'amendement proposé par le sénateur Lawson, mais je dois au préalable revenir au rapport. Il serait peut-être préférable de rappeler le contenu du projet d'alinéa 85(2.2)b):

Que les sénateurs puissent demander à faire partie d'un comité permanent, en s'adressant soit à leur whip ou soit directement au comité de sélection.

Tout le monde a compris que la seconde partie de la phrase fait référence à la méthode par laquelle un sénateur indépendant peut demander à siéger à un comité permanent.

Que se passerait-il dans ce cas? Revenons au projet d'alinéa 85(2.2)a), qui précise:

Que le comité de sélection peut recommander au Sénat que deux membres additionnels soient ajoutés à n'importe quel comité permanent, pourvu que le vote pris à ce sujet par le comité de sélection soit unanime.

Je rappelle que la règle proposée permettrait au comité de sélection de nommer deux membres supplémentaires. Un de ces membres serait un sénateur indépendant et serait de ceux qui n'auraient pas présenté leur demande au whip, mais se seraient adressés directement au comité de sélection.

Je crains toutefois que le Président n'ait beaucoup de mal à contester que cette interprétation découle tout naturellement de la règle proposée. À moins que certaines restrictions ne soient imposées au comité de sélection, la majorité des membres de ce comité pourrait très bien nommer deux sénateurs ministériels. Ce serait là une distorsion de ce qui m'apparaît être une intention claire. Je crains cependant que le Président n'ait de la difficulté à lire le texte dans le sens où nous l'entendons.

La proposition du sénateur Lawson empire les choses. Il propose tout simplement de supprimer les derniers mots du projet d'article, à savoir les mots «sous réserve d'un vote unanime du comité de sélection». D'après ce que je comprends, ces mots visent à assurer une certaine protection à l'opposition. C'est pourquoi je m'oppose à l'amendement du sénateur Lawson, qui vise à supprimer ces mots.

Son Honneur le Président: J'ai le regret d'informer l'honorable sénateur Stewart que son temps de parole de 15 minutes est écoulé.

Demandez-vous l'autorisation de poursuivre, sénateur Stewart?

Sénateur Stewart: Non. J'ai terminé. Je crois que le compte rendu attestera que j'ai dit tout ce que j'avais à dire.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je crois que nous avons tous entretenu de sérieuses préoccupations au sujet du onzième rapport du Comité permanent des privilèges, du règlement et de la procédure.

Nous avons délibéré en comité pendant des années, cherchant à déterminer comment fixer le nombre de sénateurs que doivent compter les comités et qui devrait y siéger. C'est là pour nous une question qui revêt une si grande importance. Nous savons que l'automne approche, et cette question doit être réglée. Toutefois, j'estime que la discussion doit se poursuivre et je félicite le sénateur Stewart d'avoir lancé le débat à ce sujet ce soir.

Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Sénateur Prud'homme: Non.

(Sur la motion du sénateur DeWare, adoptée avec dissidence, le débat est ajourné.)

(2010)

[Français]

Le Dragon Boat Festival

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Poy, attirant l'attention du Sénat sur le Dragon Boat Festival.-(L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, lorsque je me suis levé à 18 heures, je voulais simplement vous demander de reconnaître qu'il était 18 heures.

Les événements qui sont survenus et qui ne satisfaisaient pas certains m'ont incité à dire non. Je ne me suis pas levé pour interrompre le sénateur Stewart ou pour obliger le Sénat à revenir à 20 heures. J'ai dit non en réponse à la réaction de deux collègues et pour montrer la stupidité de l'unanimité.

Mon discours sur la motion importante du sénateur Simard est prêt. Vous avez deux heures à rattraper, je vais donc coopérer. Je n'ai pas parlé sur la motion 34 du sénateur Simard.

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): J'invoque le Règlement, Votre Honneur. Le débat ne concerne pas la motion du sénateur Simard, mais plutôt la motion du sénateur Poy au sujet du Dragon Boat Festival.

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Je sais très bien qu'elle porte sur la motion du sénateur Poy. C'était mon préambule à son interpellation. J'ai discuté avec elle et je la félicite. Elle est la belle-s9ur de notre nouveau Gouverneur général et je suis heureux que de telles nominations puissent être faites dans notre pays. Elles démontrent la diversité du Canada.

En ce qui a trait à l'interpellation du sénateur Poy, je la prenais au sérieux. Je le lui ai dit.

[Traduction]

C'était sérieux. Je ne voulais pas que la question soit abandonnée aussi rapidement. Pour la première fois, le sénateur Poy attirait notre attention sur le Dragon Boat Festival et tout le monde a applaudi. Je ne voulais pas que la question en reste là. Je voulais qu'elle figure plus longtemps au Feuilleton afin que les gens voient et comprennent que l'on peut célébrer sa culture avec fierté. Pour certains, il s'agit de célébrer le Dragon Boat Festival. Pour d'autres, la fête de l'Acadie. Pour d'autres encore, la Saint-Jean-Baptiste. J'ai fait ajourner le débat en espérant que quelqu'un ajouterait quelques mots.

J'ai apprécié le discours du sénateur Poy, qui a attiré l'attention des sénateurs sur l'événement. J'espère assister à ce festival l'année prochaine. Je félicite chaleureusement le sénateur Poy d'avoir attiré notre attention sur ce festival.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

Question de privilège

Décision du Président

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que nous ne passions aux interpellations, je suis prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée hier par l'honorable sénateur Kinsella.

[Français]

Vous vous souviendrez que le sénateur Kinsella a reçu une lettre de M. Shiv Chopra dans laquelle ce dernier allègue que son employeur, Santé Canada, l'a harcelé en raison du témoignage qu'il a livré devant un comité du Sénat. Le sénateur Kinsella nous a rappelé les privilèges accordés aux témoins parlementaires et l'obligation que nous avons de les protéger contre toute mesure de représailles dont ils pourraient faire l'objet à la suite de leur témoignage. En réponse à une question de l'honorable sénateur Stewart, le sénateur Kinsella a confirmé qu'il avait en sa possession une lettre de plainte du témoin qui incluait des détails sur cette allégation. Avec la permission du Sénat, le sénateur Kinsella a déposé cette lettre.

[Traduction]

Je citerai une nouvelle fois l'essentiel de l'allégation contenue dans la lettre de M. Chopra:

J'ai soumis en exemple personnel...

... de harcèlement...

... concernant une suspension de cinq jours qui m'a été imposée par mon employeur, Santé Canada, et qui constituait en fait, je voudrais le souligner, la dernière d'une série de mesures de représailles. J'ai dit que toutes ces actions étaient la conséquence directe du témoignage qu'il m'a été demandé...
... on l'a exigé...

... de faire devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts au sujet de l'enquête sur l'hormone de croissance bovine (STbr).

L'honorable sénateur Carstairs a dit que Santé Canada et M. Chopra différaient d'opinion:

Il est clair que l'on ne s'entend pas sur les raisons qui expliquent l'imposition de cette pénalité. Nous savons, par exemple, que M. Chopra estime qu'elle lui a été imposée en raison de son témoignage devant le comité de l'agriculture. Nous avons communiqué par écrit avec le sous-ministre de la Santé, qui nous a dit que ce n'est pas le cas.

Toutefois, le sénateur Carstairs s'est abstenue d'attester la position adoptée par Santé Canada, préférant laisser le Sénat examiner lui-même les faits, s'il le juge à-propos.

Il m'apparaît clair que M. Chopra est convaincu que son témoignage devant l'un de nos comités lui a causé un tort en raison de la réaction de son employeur. Durant la discussion entourant cette question de privilège, on ne m'a pas présenté de preuves convaincantes que l'employeur avait agi pour d'autres raisons que celles qui sont alléguées. Je suis très hésitant à intervenir dans ce qui pourrait bien constituer un malheureux différend entre un employeur et un de ses employés, une possibilité que laissent entrevoir les déclarations des sénateurs Kinsella et Carstairs et la lettre de M. Chopra. Je ne veux pas non plus écarter du revers de la main ce qui représente vraiment une très sérieuse allégation. Dans l'état actuel des choses, un témoin entendu par un comité sénatorial a fait une allégation qui, si elle se révèle fondée, pourrait bien constituer un sérieux outrage à notre assemblée. Pour le moment, nous disposons de peu de preuves nous permettant de rejeter cette allégation. La chronologie des événements décrite par le sénateur Kinsella laisse au moins entrevoir que cette allégation pourrait être fondée. Je juge donc qu'il y a matière à question de privilège conformément aux dispositions du paragraphe 43(1) du Règlement.

(2020)

J'invite le sénateur Kinsella à proposer la motion appropriée.

Sujet renvoyé au comité des privilèges, du Règlement et de la procédure pour qu'il l'examine

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur DeWare, que la question soit renvoyée au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour qu'il l'examine et en fasse rapport, et, avec le consentement unanime et nonobstant le paragraphe 44(3) du Règlement, que nous nous prononcions dès maintenant sur cette motion.

Son Honneur le Président: Le greffier m'informe que, comme nous n'en sommes plus à l'ordre du jour, il n'est pas nécessaire de demander la permission pour procéder ainsi.

L'honorable Anne C. Cools: Je voudrais poser une question au sénateur Kinsella. Je croyais que, lorsqu'un sénateur présentait une motion en vertu de cet article en particulier, il n'était pas nécessaire de donner un avis. D'après ce que je comprends, la motion, telle que formulée, peut faire l'objet d'un débat sur-le-champ et peut aboutir à des mesures. En fait, aucune permission n'est nécessaire parce qu'aucun avis n'a à être donné.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur a raison. À ce moment-ci de nos travaux, il n'est pas nécessaire d'obtenir une permission. Si la motion avait été proposée plus tôt aujourd'hui, avant la fin des articles ordinaires à l'ordre du jour, il aurait fallu obtenir une permission.

Le sénateur Cools: Je comprends.

Il s'agit d'une motion pouvant faire l'objet d'un débat. Si j'ai bien compris, le sénateur Kinsella demande au Sénat de ne pas tenir de débat, mais de mettre simplement la motion aux voix. Est-ce bien cela?

Son Honneur le Président: Il a seulement demandé que la motion soit discutée maintenant. Il est clair qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir la permission du Sénat.

Le sénateur Cools: Merci beaucoup.

Le sénateur Kinsella: C'est le paragraphe 44(3) qui entre en jeu si nous siégeons avant 20 heures. Par conséquent, comme Son Honneur l'a signalé, la permission du Sénat n'est pas nécessaire. Je demanderais simplement que la question soit mise aux voix, si aucun honorable sénateur ne souhaite intervenir.

Son Honneur le Président: Si aucun honorable sénateur ne désire prendre la parole, je mettrai la motion aux voix.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

L'Immigration

La situation critique des migrants chinois sur la côte ouest-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Vivienne Poy, ayant donné avis le 7 septembre 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la situation critique des migrants chinois sur la côte de la Colombie-Britannique.

- Honorables sénateurs, cet été, les médias et le public ont beaucoup fait état de l'arrivée de trois bateaux remplis de migrants chinois au large de la côte de la Colombie-Britannique. Hier, un autre bateau semblable a été repéré au-delà de la limite des eaux canadiennes.

Les réactions partagées des Canadiens à l'endroit des migrants chinois donnent à penser qu'il faut procéder à un examen introspectif poussé. Un grand nombre de personnes demandent que soient réévaluées les politiques d'immigration de notre pays, et il importe de s'adonner à un tel exercice. Il ne fait aucun doute que ceux qui sont responsables du trafic international d'êtres humains doivent faire l'objet de mesures énergiques. Il faut mettre un terme à la contrebande d'êtres humains.

Compte tenu du problème auquel nous sommes confrontés, il importe que les Canadiens comprennent la situation critique de ces migrants. Il s'agit de personnes ordinaires et pauvres qui ont été convaincues par des membres du monde interlope d'entreprendre une dangereuse traversée de l'océan afin de trouver une qualité de vie meilleure.

La richesse et la liberté dont nous jouissons en comparaison dans ce pays fait qu'il est pratiquement impossible de se rendre compte de ce que cela signifie de ne rien avoir ou d'être persécuté. Il n'y a qu'à voir les conditions à bord des navires qui ont amené les migrants chinois pour mesurer leur désespoir. À moins d'y être contraint par les circonstances, personne n'accepterait de risquer sa vie sur un bateau qui n'est pas en état de tenir la mer et dépourvu des installations sanitaires essentielles.

Malheureusement, en embarquant dans ces bateaux, les migrants sont devenus les travailleurs à long terme du crime organisé. Certains revendiqueront sans doute légitimement le statut de réfugié. Par exemple, en 1987, 2 000 Turcs sont arrivés à Montréal par bateau. Certains, dont il a été déterminé que c'était seulement des migrants économiques, ont été renvoyés en Turquie. D'autres étaient des réfugiés authentiques. C'est seulement un exemple de nombreux bateaux transportant des gens qui entrent au Canada sans avoir de papiers en règle.

Nous ne saurons jamais lesquels de ces migrants chinois sont des réfugiés authentiques tant qu'on ne leur aura pas donné la possibilité de s'expliquer. Nous savons que 39 des personnes arrivées par le deuxième bateau étaient des enfants non accompagnés, dont certains n'avaient que onze ans. Seul le désespoir peut pousser les parents à risquer la vie de leurs enfants en permettant qu'il s'embarquent pour une traversée de 60 jours dans des bateaux qui font eau.

Sans l'aide du gouvernement canadien, les migrants sont kidnappés et réduits à l'esclavage, à la prostitution ou à d'autres abominations du genre. Voilà comment ils remboursent les quelque 40 000 $ ou 50 000 $ U.S. qu'ils doivent aux «passeurs» pour leur périple. Les médias ont fait état de taux d'intérêt de 900 p. 100 sur ces sommes. Ceux qui ne peuvent rembourser risquent d'être terrorisés par les gangs ou de voir leurs familles en Chine subir ce sort. Les agents des services d'immigration américains ont rapporté des cas de viol et de mutilation dans certains cas de non remboursement des dettes.

J'ai reçu des appels de Canadiens sympathiques à cette cause, pas tous d'origine chinoise, qui m'ont demandé d'aider ces migrants. Le récit de leur mésaventure m'a rappelé le sort des premiers immigrants chinois venus au Canada à titre de travailleurs à contrat non résiliable. Malheureusement, les torts causés aux premiers immigrants chinois sont encore visibles dans certains secteurs de la société canadienne de nos jours. Être pauvre n'est pas un crime; il faut aider les victimes.

Certains Canadiens ont traité ces migrants de «criminels». Même les enfants ont été menottés de fer. Des fillettes de 12 ans ont été soumises à des fouilles à nu. De jeunes enfants ont été inutilement séparés de leur mère en détention. Des allégations de mauvais traitements infligés par des agents de la GRC, surtout aux enfants, ont amené le Conseil canadien pour les réfugiés à demander une enquête indépendante.

Je suis troublée de lire que des Canadiens demandent l'explusion immédiate de ces migrants avant même qu'ils aient eu droit à une entrevue en bonne et due forme. Il y a quelques jours, le gouvernement chinois a dit que ces gens devaient être retournés immédiatement vers la Chine afin d'y être rééduqués. Cependant, ces personnes se trouvent maintenant au Canada et c'est notre interprétation des droits de la personne qui prévaudra.

À titre de signataire de la convention des Nations Unies à l'origine de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée en 1948, de la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés et du protocole de 1967 y afférent, le Canada définit de facto la protection comme l'un des droits fondamentaux de l'homme. Nos lois et règlements en matière d'immigration sont empreints d'équité et de compassion. Nous donnons l'occasion à ceux qui demandent de l'aide de présenter leur cas.

(2030)

Il importe de souligner que ces immigrants récents ne représentent qu'un pour cent des gens qui viennent au Canada tous les ans sans avoir les papiers qu'il faut et revendiquent le statut de réfugié. S'ils venaient d'Europe, je me demande s'ils auraient été considérés comme des «criminels» par certains éléments de la société canadienne.

Les médias ont fait état d'accusations voulant que ces immigrants soient un fardeau pour la société. Cependant, il a été prouvé, statistiques à l'appui, qu'en dépit des déboursés initiaux de la part du gouvernement, ces immigrants ont un moins grand recours à nos services de santé et de bien-être que les gens nés au Canada. Des données récentes sur les Canadiens montrent que les ménages d'immigrants asiatiques réussissent mieux que les immigrants européens. Selon un éminent économiste canadien, la famille immigrante typique versera 40 000 $ ou 50 000 $ de plus au Trésor public que ce qu'elle utilisera comme services durant son existence.

J'exhorte tous les Canadiens à réfléchir à notre histoire et à notre identité avant de considérer ces immigrants comme des criminels à la charge de la société. Chacun d'entre nous, à l'exception des autochtones, se trouve au Canada parce qu'un jour ou l'autre, nous avons nous-mêmes immigré ou quelqu'un de notre famille l'a fait. Bon nombre d'entre nous sommes Canadiens parce que nos ancêtres sont venus à titre de migrants économiques, et non de réfugiés de guerre ou de réfugiés politiques. Ces derniers cherchaient tout simplement à améliorer leur sort. Notre pays a grandi grâce à la migration économique. L'immigration constitue un investissement en capital humain. Ce n'est d'ailleurs pas uniquement un bon investissement, c'est aussi une question d'éthique.

Honorables sénateurs, j'espère que la bonne volonté des Canadiens prévaudra. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration devrait être en mesure de terminer ses audiences avant que nous nous mettions à évaluer les demandes déposées par ces migrants. Nous créerions autrement un dangereux précédent qui nous ferait perdre du terrain et aurait des répercussions sur l'avenir du Canada.

(Sur la motion du sénateur Robertson, au nom du sénateur Carney, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 9 heures demain.)


Haut de page